Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
La persistance de médiocres performances commerciales de la France en dépit des efforts de modération du coût du travail menés ces dernières années pose question. Selon les économistes du CEPII, la France souffre d’une absence de rééquilibrage macroéconomique dans la zone euro et de "l’importance de l’investissement à l’étranger de ses grandes entreprises".
Un Policy Paper du Cepii examine les hypothèses généralement avancées pour expliquer la mauvaise performance de la France à l'exportation. Les auteurs examinent particulièrement les déséquilibres existant au sein de la zone euro, en comparant la France avec ses trois grands partenaires : l'Allemagne, l'Italie, et l'Espagne. Ils analysent en particulier la période récente au cours de laquelle, en dépit du ralentissement de la hausse du coût du travail, les parts de marché françaises n'ont pas progressé.
Depuis 1999, la France a davantage perdu de parts du marché à l'exportation que ses partenaires de la zone euro. Sa part dans les exportations mondiales de biens et services est passée de 5,8% en 1999 à 3,5% en 2017. Expliqué en partie par la progression de certains pays émergents dans l'économie mondiale, ce recul est bien plus marqué que celui subi par l'Allemagne ou l'Espagne sur la même période (inférieur à 10%).
• Le coût du travail reste une explication assez pertinente malgré les efforts de modération depuis 2011
D'une part parce que la France n'a réduit qu'une partie de l'écart creusé avec l'Allemagne (1/4 de l'écart creusé depuis 1995). D'autre part, parce que les allègements de coûts en France ont principalement concerné les bas salaires, et donc moins les entreprises exportatrices.
L'observation sectorielle montre cependant que l'évolution des coûts salariaux unitaires dans les deux pays est proche dans l'industrie. Elle diverge dans les services mais surtout dans les secteurs abrités. La pondération par les consommations intermédiaires du secteur manufacturier révèle une divergence de coûts moins importante que ne laisse penser l'approche globale (+8 points entre 1999 et 2015 pour la France et +6 points pour l'Allemagne entre 2011 et 2015).
• L'évolution de la spécialisation française s'est éloignée de celle de l'Allemagne mais ne semble pas avoir joué de manière notablement défavorable. En 1999 la structure des exportations française était en effet assez proche de celle de l'Allemagne et plus éloignée de l'Italie et de l'Espagne. En 2016, elle est aussi proche de l'Italie que de l'Allemagne. Cependant, les marchés à l'exportation de la France n'ont pas subi de déclin spécifique. Par contre, les exportations allemandes ont davantage bénéficié de l'élargissement à l'Est que les françaises.
• La performance française ne peut pas non plus être attribuée à la chute d'un secteur spécifique, tous les secteurs étant concernés à l'exception de l'aéronautique. Le secteur automobile explique cependant à lui seul plus du 1/3 de la divergence de trajectoire du solde commercial avec l'Allemagne.
• Le caractère irréversible des pertes d'activités industrielles et un problème de compétitivité hors-prix ne semblent pas démontrés selon les auteurs qui citent notamment le contre exemple de l'Espagne. Ils notent par exemple que le haut niveau relatif d'investissement de la France dans certains secteurs (logiciels et base de données) ne se reflète pas dans les performances à l'export.
• Le rôle spécifique des entreprises multinationales françaises est enfin souligné. Leurs effectifs à l'étranger sont nettement supérieurs à ceux des multinationales allemandes ou italiennes et leur chiffre d'affaires à l'étranger a augmenté deux fois plus vite dans la période récente. L'effet sur les exportations est cependant ambigüe, la part des multinationales dans les exportations françaises étant restée stable entre 2011 et 2015. L'exemple du secteur automobile illustre en tout cas une certaine dissociation entre les activités intellectuelles, maintenues sur le territoire national, et les activités de fabrication.
L’étonnante atonie des exportations françaises : retour sur la compétitivité et ses déterminants
CEPII, Charlotte Emlinger, Sébastien Jean & Vincent Vicard, Policy Brief N°24, février 2019
Synthèse dans la Lettre du CEPII N°395, janvier 2019
Voir également :
Le chiffre du commerce extérieur, année 2018
Direction générale des Douanes et Droits indirects, février 2019
Le bilan annuel des Douanes fait état d’une nouvelle dégradation du solde commercial en 2018. Cette détérioration s'explique par l’augmentation de la facture énergétique, du fait de la poursuite de la hausse des cours du pétrole. Les flux commerciaux ralentissent mais restent dynamiques, notamment à l’exportation. Selon les estimations réalisées par les Douanes, le solde commercial de la France résiste mieux que celui de ses voisins (Allemagne, Italie et Espagne) : les exportations de ces pays évoluent "de façon relativement comparable", mais leurs importations s’accroissent deux fois plus que celles de la France en 2018.