Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
La baisse des impôts de production de 10 milliards d'euros inscrite dans le plan de relance semble trouver un équilibre entre l’impératif immédiat d’améliorer la situation financière des entreprises fragilisées par la crise sanitaire (par la baisse des impôts fonciers en particulier) et le souci de maximiser les effets de long terme sur la compétitivité et la croissance en baissant les prélèvements sur le capital et le travail.
Dans "Compétitivité France Allemagne le grand écart" Rexecode a montré dès 2011 que la perte de compétitivité-coût de la France depuis le début des années 2000 entraînait une désindustrialisation du territoire et ce faisant un recul progressif de la compétitivité structurelle.
Depuis, l'écart en matière de coût du travail a été réduit par rapport à l'Allemagne notamment grâce à des mesures d’allègement des cotisations sociales (CICE, Pacte de responsabilité en 2013, 2014). Nos parts de marché à l’exportation, qui se dégradaient depuis le début des années 2000, ont amorcé depuis 2016 une stabilisation certes fragile mais réelle. Cependant, l'écart qui demeure équivaut chaque année à 210 Md€ d'exportations perdues pour la France. Cela est en partie imputable à la part non-salariale des coûts unitaires de production, gonflée en France par les impôts de production.
La France se singularise encore par le nombre et le niveau des impôts qui alourdissent les coûts de production des entreprises.
Ces impôts ont en commun de taxer les entreprises assez en amont dans leur compte d’exploitation et, pour certains d’entre eux comme les impôts fonciers, d’être dus indépendamment des fluctuations de leur activité. Les impôts de production représentent 3,2% du PIB en France, soit le poids le plus élevé d'Europe après la Suède, contre 1,6% en moyenne dans l’Union européenne et 0,4% en Allemagne (en 2018 pour les impôts de production au sens de la comptabilité nationale). Ils pèsent sur l’attractivité du territoire et affectent défavorablement les décisions d’implantation et d’investissement des entreprises industrielles.
Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une baisse des impôts de production de 10 Md€ :
• baisse de 50% de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) soit -7 Md€
• baisse de 1,75 Md€ de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de 1,5 Md€ de cotisation foncière des entreprises (CFE), ce qui entraînerait en particulier une diminution de 50% des impôts fonciers des établissements industriels.
• abaissement de 3% à 2% du plafonnement de la Contribution Economique Territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée, afin d’éviter qu'il ne neutralise tout ou partie des baisses précédentes.
Cette baisse des impôts de production bénéficierait notamment à l’industrie (37% du gain) et au commerce (15%). Les PME et les ETI seraient particulièrement gagnantes avec respectivement 32% et 42% de l’allègement. Sachant qu’en raison de la hausse de leurs marges les entreprises acquitteront davantage d’impôt sur les sociétés, on peut estimer à 8,6 Md€ la baisse nette d’imposition sur les entreprises (1).
Dans l'immédiat, la baisse de 3 Md€ des taxes sur le foncier permettra d’alléger sensiblement la pression fiscale des entreprises les plus fragilisées par la crise de la Covid-19. La CFE et la TFPB s’apparentent en effet à des charges fixes, leur montant n'étant pas corrélé, contrairement par exemple à la CVAE, aux évolutions conjoncturelles de l’activité de l’entreprise.
L’impact macroéconomique de la baisse des impôts de production montera progressivement en puissance. Cet allègement de la fiscalité pesant sur le capital et le travail devrait stimuler graduellement l’emploi et l’investissement productif. Le surcroît de marges devrait progressivement permettre aux entreprises d’investir davantage, de gagner en compétitivité-prix et d’accroître leurs parts de marché à l’export.
Entre 2021 et 2025, la baisse de 10 Md€ des impôts de production permettrait un gain +0,1 point de croissance par an, hors financement de la mesure. En 2030, le niveau du PIB serait supérieur de +0,6 point par rapport à un scénario sans baisse d’impôt de production, l’emploi de +100.000 personnes, l’investissement des sociétés non financières de +0,9 point et les exportations de +0,4 point.
La France restera cependant le pays européen où les impôts de production sont les plus élevés après la Suède. Une baisse supplémentaire de 28 Md€ serait nécessaire pour résorber l’écart à la moyenne européenne, et une baisse de 56 Md€ pour résorber l’écart avec l’Allemagne. La suppression de la C3S serait prioritaire, tant cet impôt en cascade sur le chiffre d’affaires dissuade depuis des années la présence de longues chaînes de valeur sur le territoire français.
(1) détails en p.52 du Document de travail N.75