Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le Conseil d’analyse économique évalue l’effet d’un embargo européen sur les énergies fossiles en provenance de Russie. Les pertes resteraient modérées pour la plupart des pays de l’UE, sauf pour les plus dépendants d’entre eux, comme le confirment les estimations du CEPREMAP. Instaurer un tarif douanier élevé sur ces énergies serait une alternative moins coûteuse selon le CAE, en particulier pour les pays les plus exposés.
Ces estimations sont réalisées avec un modèle développé par Baqaee et Fahri (2021) pour 30 secteurs et 40 pays tenant compte des spécialisations sectorielles et de la structure du commerce extérieur. Elles intègrent les effets en cascade le long des chaînes de valeur de production, ainsi que les éventuelles importations de substitution
L'impact d'un embargo sur le gaz, le pétrole et le charbon russes serait faible pour la France, avec une perte de revenu national brut estimée entre 0,15 et 0,3%. Pour l'Allemagne, l'impact est plus important mais globalement modéré et en tout cas absorbable (environ 0,3% et jusqu'à 3% dans les scénarios les plus pessimistes). Il en va de même pour l'ensemble de l'Union européenne, bien qu'il existe une hétérogénéité importante entre les pays. La Lituanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Finlande ou la République tchèque subiraient des pertes plus fortes, comprises entre 1 et 5%.
La note estime que, même à court terme, les entreprises pourraient trouver, même partiellement, des sources d'énergie ou des produits de substitution, ce qui atténue "très significativement" l'impact du choc. Par contre, les estimations ne tiennent pas compte des "effets néo-keynésiens" d’amplification du cycle économique qui pourraient entrainer une contraction plus forte de la demande globale et des difficultés financières pour certaines entreprises. La politique économique pourrait en atténuer une part significative, notamment des mesures de chômage partiel et de soutien des industries les plus exposées.
Une alternative à l’embargo: des droits de douane très élevés. Selon la note, taxer à 40% les importations de combustibles fossiles russes réduirait de 80% les importations. Les 20% d’importations restantes par rapport à l'embargo total alimenteraient les pays les plus dépendants. Dans ce cas, leurs pertes seraient divisées par environ 3 ou 4.
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The Economic Consequences of a Stop of Energy Imports from Russia
CONSEIL D’ANALYSE ECONOMIQUE - Philippe MARTIN, Camille LANDAIS, Benjamin MOLL, David BAQAEE
Focus N°84, avril 2022
Il s’appuie sur les travaux de Bachmann et al. (2022) et le modèle développé par Baqaee et Fahri précité mais n'intègre pas d'autres facteurs comme l’impact d’une contraction de la demande ou les coûts d’ajustement d’une réallocation entre secteurs, ni la possible accélération de la transition écologique européenne. Les résultats de l'étude mériteraient ainsi d'être affinés selon ses auteurs.
Le coût moyen de l’embargo dans l’Union Européenne équivaut à une réduction de -0,7% des dépenses nationales (consommation des ménages, investissement des entreprises et dépenses publiques) par an et par habitant. Pour la Russie, le coût serait plus élevé, avec une perte de -2,3% des dépenses nationales.
Au sein de l’UE les coûts de l’embargo seraient très hétérogènes. L’Allemagne et la France occupent une position intermédiaire avec des pertes de -0,3% et -0,2% des dépenses nationales respectivement (11ème et 20ème rang des pays européens les plus touchés).
Les auteurs expriment ces variations en montant de dépenses annuelles par habitant à partir des données de la Banque Mondiale:
- Pour un Russe, le coût de cet embargo s’établirait à 534€ par an.
- Pour un habitant de l'UE le coût moyen serait de 227€ par an.
Il serait de 1745 € pour un Lituanien, soit plus de 30 fois plus que le coût supporté par un Français (54€), devant la Slovénie (716€), la Bulgarie (563€), la Finlande (440€) ou l’Allemagne (125€).
- Les habitants de certains pays européens seraient gagnants "par le jeu des substitutions et réallocations d’activité" : Luxembourg (+110€/hab), Irlande (+37€) et Danemark (+12€).
- Le coût serait faible aux Etats-Unis avec une perte annuelle de 16€, tandis que l'embargo aurait un effet favorable au Canada avec un gain annuel moyen de +57€ par habitant.
Le coût d’un embargo sur les énergies russes pour les économies européennes
CEPREMAP - François LANGOT et Fabien TRIPIER
Note de l’Observatoire Macro N°2022-2, avril 2022
Voir aussi :
What if? The Economic Effects for Germany of a Stop of Energy Imports from Russia
IFO INSTITUT - R. BACHMANN, D. BAQAEE, C. BAYER, M. KUHN, B. MOLL, A. PEICHL, K. PITTEL and M. SCHULARICK - EconPol Policy Report N°36, mars 2022
Optimal tariff versus optimal sanction - The case of European gas imports from Russia
CENTRE FOR EUROPEAN POLICY STUDIES - Daniel GROS - N°2022-12, 29 mars 2022
EU embargo on Russian energy could be a game-changer
DANSKE BANK, mars 2022