Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le premier rapport du Conseil national de productivité (CNP), examine les raisons du ralentissement de la productivité dans les pays industrialisés, notamment en France. A l'occasion de son analyse des déterminants de la compétitivité française, le CNP montre que le déficit courant de la France illustre les faiblesses de la compétitivité française mais aussi plus globalement d'importants déséquilibres en zone euro.
Le Conseil national de productivité établit dans un premier temps que productivité et compétitivité sont deux concepts distincts avec des implications très différentes, en particulier dans un contexte d’union monétaire.
Principale source de croissance, les gains de productivité ralentissent dans tous les pays développés, sous l’effet de plusieurs facteurs : renforcement du poids des services, dont les gains de productivité sont moindres que dans l’industrie, baisse de la contribution des TIC à la croissance, divergence de la productivité au niveau des entreprises (mauvaise allocation des ressources), etc.
Si la France conserve un niveau élevé de productivité, "semblable à celui de l’Allemagne", elle est pénalisée par des caractéristiques spécifiques qui peuvent expliquer un ralentissement plus marqué :
• l’insuffisance du niveau et de l’adéquation des compétences, ainsi que de la qualité du management.
• Une dispersion des niveaux de productivité plus grande au sein des services peu qualifiés, abrités de la concurrence internationale.
• Une automatisation et une diffusion du numérique insuffisantes dans les entreprises.
• Des contraintes réglementaires plus lourdes.
• Un rendement déficient de la R&D malgré une bonne position en matière d’innovation.
Au chapitre de la compétitivité, le CNP souligne que la balance courante de la France, certes la plus négative des grands pays de la zone euro, reste faiblement déficitaire. Le CNP rappelle en revanche que l'excédent allemand contribue massivement à l'excédent courant de la zone euro.
• La compétitivité française, mesurée à l’aune de la balance courante, a connu une dégradation au début des années 2000 et s'est stabilisée autour de -1% depuis 2010. Si le déficit courant de la France est limité, il masque cependant un déficit commercial important, compensé en partie par un excédent des revenus primaires (revenus nets des investissements à l’étranger).
• Les différences de coûts de production entre la France et les pays européens ne permettent plus d’expliquer la dégradation de la balance commerciale. En effet les différences de coûts de production entre la France et les pays européens se sont stabilisées : depuis la crise, les coûts salariaux unitaires convergent en zone euro (sauf l’Italie). La France se distingue certes par des impôts sur la production élevés, mais les coûts du capital ou des consommations intermédiaires ne semblent pas en cause. En réalité, selon le CNP, c’est surtout "la compétitivité hors-prix qui expliquerait le différentiel de performance de la France avec ses partenaires de la zone euro".
• Le CNP considère enfin que le développement d’un excédent courant en zone euro depuis la crise masque des déséquilibres importants, en particulier l’excédent de l’Allemagne de 7,3% du PIB (en 2017). Dans une union monétaire, en l’absence de taux de change, le mécanisme d’ajustement normal requiert une inflation plus élevée dans les pays excédentaires. Or les écarts actuels d’inflation ne permettent pas un ajustement suffisant. Ces déséquilibres, conclue le CNP, aggravent la vulnérabilité des pays à fort endettement extérieur, et menacent l’intégrité de la zone euro.
Productivité et compétitivité : où en est la France dans la zone euro ?
Conseil national de productivité, Philippe Martin, avril 2019
Ce rapport préliminaire ouvre une phase de consultations jusqu'au 16 mai 2019, au terme de laquelle une version finale sera publiée.