Sous le coup d'une procédure pour déficit excessif depuis 2009, la France devait, après deux sursis, atteindre l'objectif des 3% de déficit public en 2015. Elle soumettra à la Commission européenne le 15 octobre un projet de Budget qui ne répond pas à l'objectif. Quels sont dès lors les risques encourus par la France dans le cadre de la nouvelle gouvernance budgétaire européenne ?

Les règles européennes en matière de respect de la discipline budgétaire

Le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) combine un volet "préventif" et un volet "correctif". Le premier volet vise la coordination et la surveillance des situations budgétaires nationales. Le second porte sur les recommandations, les mécanismes de correction et les sanctions adoptées en cas d’absence de réduction de déficits excessifs. Par ailleurs, c’est désormais l’examen de la trajectoire de rééquilibrage des comptes publics qui est privilégié plutôt que le seul écart aux seuils de référence, qui eux sont inchangés (déficit public à 3% du PIB et dette publique à 60%). Les nouvelles règles du PSC retiennent également que le poids de dette publique doit être réduit chaque année à concurrence de 1/20ème de son écart par rapport au seuil de référence. Cette règle s’applique à compter de la troisième année après la correction d’un déficit excessif.

Quels sont les objectifs budgétaires assignés à la France pour 2015 ?

Depuis l’ouverture d’une procédure pour déficit public excessif en 2009, le Conseil a accordé à la France deux sursis pour ramener son déficit à 3% de PIB. En décembre 2009 l'objectif a d'abord été reporté à 2013, en juin 2013 l'objectif des 3% de déficit a été reporté à 2015. Afin d’atteindre cet objectif, le Conseil soulignait que le déficit structurel (hors aléas conjoncturels) devait être réduit de 1,3 point de PIB en 2013, puis de 0,8 point en 2014 et en 2015. Or, dans une recommandation du 5 mars 2014, la Commission a estimé que le déficit public ne serait ramené qu'à 4,2% du PIB en 2013 (4,3% effectif) et 4% en 2014, en raison notamment d’un effort structurel insuffisant. Selon les dernières données, l’effort structurel aurait été de 1,1 point de PIB en 2013. Surtout, il atteindrait 0,2 point de PIB au maximum en 2014 et en 2015 selon le Projet de Loi de Finances 2015 qui prévoit un déficit 2014 à 4,4% du PIB puis 4,3% en 2015.

L’arsenal des sanctions européennes

La mise en œuvre éventuelle du volet "correctif " du PSC se fait sur la base de l’examen par la Commission des projets transmis par les Etats dans le cadre du Semestre européen :

  • un programme de stabilité et de convergence pour les trois prochaines années est remis à la Commission mi-avril.
  • les budgets nationaux des Etats-membres de la zone euro sont transmis à la Commission en octobre.

C’est de la crédibilité de la trajectoire des finances publiques françaises définie par ces documents budgétaires et leur exécution de bonne foi que dépendront in fine l’éventuelle ouverture du volet "correctif" du PSC. Si elle juge les mesures insuffisantes, la Commission peut recommander au Conseil d’imposer à la France la constitution d’un dépôt portant intérêt auprès de la Commission. Toute sanction recommandée par la Commission est adoptée, à moins que le Conseil européen ne s’y oppose à la majorité qualifiée. Si lors du "Semestre européen" suivant, la Commission ne constate aucune amélioration significative de la situation budgétaire, le dépôt constitué ne porte plus d’intérêt. Une amende peut ensuite être imposée à la France en cas de persistance du déséquilibre budgétaire et d’absence d’effort pour le réduire. Le montant total de l’amende ne peut dépasser 0,5% du PIB. Il est déterminé selon une composante fixe égale à 0,2% du PIB et une composante variable équivalente à un dixième de l’écart entre le déficit budgétaire observé et la valeur de référence (3% du PIB).

Le calendrier des prochaines semaines

Le Budget français sera transmis ce 15 octobre à la Commission européenne qui rendra son avis au plus tard le 30 novembre. Elle peut notamment demander à la France de revoir le budget, même si cet avis n’est pas contraignant. Par ailleurs les ministres des finances de la zone euro (Eurogroupe) devraient se réunir en novembre pour évaluer les budgets nationaux. En décembre 2014 ou janvier 2015, le conseil Ecofin qui réunit les ministres des finances des 28, évaluera si des actions ont été prises pour résorber le déficit selon les recommandations de la Commission. C’est à cette occasion que le Conseil décidera s'il y a lieu d’appliquer une ou plusieurs mesures parmi celles prévues par les Traités :

  • Exiger de la France la publication d’informations supplémentaires avant d’émettre des obligations et des titres,
  • Inviter la Banque européenne d’investissement à revoir sa politique de prêts à l’égard de la France,
  • Exiger que la France fasse auprès de l’UE un dépôt ne portant pas intérêt, d’un montant approprié jusqu’à, de l’avis du Conseil, correction du déficit excessif,
  • Imposer des amendes d’un montant approprié.