Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Au premier semestre 2024, l'Italie s'est classée au 4ème rang mondial des pays exportateurs, devant le Japon. Anthony Morlet-Lavidalie (Rexecode) et Jean-Mathieu Sahy (Capital Export) examinent dans un article pour Les Echos comment, malgré des difficultés économiques indéniables, l'Italie surclasse largement la France en matière de développement industriel, de compétitivité, et de performance à l'exportation.
Malgré une grande proximité culturelle, la France et l'Italie ont profondément divergé en matière économique au cours des 30 dernières années. Certes, l'Italie connaît des difficultés économiques (son PIB est au même niveau qu'au début de l'année 2008, avant la crise financière) mais son industrie et sa force de frappe à l'export sont bien supérieures à celles de la France.
L'industrie manufacturière italienne pèse près de 16% de son PIB, contre moins de 10% en France, avec une densité impressionnante d'entreprises industrielles (400.000 contre environ 250.000 en France). Cette puissance industrielle confère à l'Italie une capacité à exporter hors norme. Alors que le PIB italien est 35% inférieur à celui de la France, les exportations de biens du pays se sont élevées à 622 milliards d'euros en 2023 contre seulement 599 milliards d'euros pour la France. L'Italie dégage un excédent commercial supérieur à 2,5% du PIB, là où la France accuse un déficit de près de 3% du PIB. Au cours du premier semestre de l'année 2024, l'Italie s'est classée au quatrième rang mondial des pays exportateurs, devançant même le Japon !
La recette du succès italien repose sur plusieurs ingrédients stratégiques. Tout d'abord, un fourmillement d'entreprises de taille moyenne et intermédiaire. Le pays compte près de 30.000 entreprises dont la taille est comprise entre 50 et 1.999 salariés. Leur spécificité est d'être regroupées en 160 districts industriels, composés de réseaux de production sectoriels. Le regroupement vertical des chaînes de production génère des relations de complémentarité et de concurrence stimulant l'innovation.
Dans les salons étrangers où les Français sont souvent dispersés, les Italiens sont présents dans des pavillons sectoriels où l'on trouve à la fois des partenaires et des concurrents
Ces synergies permettent aussi la mise en place de stratégies communes pour la recherche de nouveaux marchés à l'export. Dans les salons étrangers où les Français sont souvent dispersés, les Italiens sont présents dans des pavillons sectoriels où l'on trouve à la fois des partenaires et des concurrents, ce qui favorise grandement la promotion et la prospection des Italiens.
La pluralité des districts industriels offre une spécialisation dans un grand nombre de secteurs dont découle une grande variété de produits exportés à destination d'une clientèle extrêmement diversifiée, la rendant particulièrement résiliente à la conjoncture et aux chocs.
Produire en Italie coûte moins cher qu'en France alors que le niveau de gamme des produits y est similaire. A l'instar du made in France, le made in Italy jouit d'une réputation de produits haut de gamme et d'excellence. Le coût de l'heure de travail dans l'industrie italienne dépasse à peine 30 euros, contre 45 euros en France. Les cotisations employeurs et les impôts nets des subventions acquittées par l'industrie italienne ne représentent que 12% de la valeur ajoutée des entreprises industrielles, contre 18% en France.
Capital Export, qui accompagne les PME françaises exportatrices depuis près de 15 ans, confirme ces atouts structurels propres à l’Italie: "A l'exception des entreprises les plus avancées au plan technologique, nos participations sont systématiquement en concurrence avec des offres italiennes qualitatives plus compétitives en termes de prix". Les entreprises indépendantes italiennes sont beaucoup plus internationalisées que les françaises, stimulées par un marché intérieur moins dynamique et par les connexions qu'apporte une diaspora italienne estimée à 80 millions de personnes.
A l'heure où 57% des dirigeants de PME et ETI français veulent renforcer leur activité à international (7 points de plus qu'en 2023) comme l'indique le baromètre annuel de Capital Export Opinionway, le modèle italien doit être une source d'inspiration, notamment à court terme, en amplifiant significativement le recours aux « pavillons français » dans les salons étrangers, qui butte encore souvent sur les réticences des dirigeants français à exposer aux côtés de leurs concurrents.
Anthony Morlet-Lavidalie, Rexecode
Jean-Mathieu Sahy, Capital Export
> De l'industrie à l'export: les leçons de l'Italie, Les Echos, 18 décembre 2024
Documents de travail
Indicateurs du coût de l'heure de travail en Europe
Enquête qualité-prix auprès des importateurs européens