Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Les rencontres du Conseil économique social et environnemental sur les enjeux du travail incluaient une table ronde sur les rémunérations. Jean-Hervé Lorenzi l'a précisé en introduction, le débat portait sur le "triptyque compliqué" de la rémunération, du travail et du bien-être des moins qualifiés, 15% des salariés étant rémunérés au SMIC. Denis Ferrand a souligné l'importance des freins à la mobilité salariale en France, pays qui se distingue aussi par le faible écart entre revenus minimum et médian. Les incitations à la promotion, tant côté salarié qu'employeur, sont notamment contrariées par des effets de seuils sur les prélèvements et les prestations.
Dans son intervention, Denis Ferrand a mis en avant deux constats, s'agissant du volet macroéconomique de la question des rémunérations et des bas salaires en particulier:
- Le salaire réel est déterminé à long terme par la productivité. Dès lors, comment fortement augmenter les salaires quand la productivité ralentit, et même diminue comme elle fait depuis 2019 en France?
- Si les salaires sont jugés trop bas, c'est aussi parce que les prix sont trop élevés. Il nous faut comprendre pourquoi le niveau de prix à la consommation en France est supérieur de 4% à ceux pratiqués en Allemagne alors que notre PIB par habitant est inférieur de 12%.
Sur le plan microéconomique, c'est la mobilité dans l'échelle des salaires qui fait défaut. La France a réussi à éradiquer les trappes à inactivité et à réduire le piège du chômage, grâce à la prime d'activité notamment. Ce n'est pas le cas en revanche s'agissant des trappes à bas salaires. Or, le problème n'est pas tant d'être au SMIC que d'y rester pendant toute sa carrière professionnelle.
- Le gain à l'effort peut être faible pour le salarié en raison des effets de seuil sur les prélèvements et les prestations. Le taux marginal effectif moyen de prélèvement est ainsi de 56,5% en France. Cela signifie qu'après prise en compte des prélèvements et prestations, un salarié bénéficie en moyenne de 43,5% de la hausse de sa rémunération entendue en termes de coût du travail. L'écart entre le revenu net minimum et le revenu net médian est aussi le plus faible des pays de l'OCDE, réduisant l'incitation à l'offre de travail.
- Sur le versant de la demande de travail, des effets de seuil élevés font qu'une augmentation salariale peut se traduire par un renchérissement massif du coût pour l'employeur. Passer de 1 à 1,1 SMIC se traduit par 136€ de salaire brut supplémentaire mais par plus de 400 € de coût du travail selon le simulateur de cotisations Urssaf. Les freins à la mobilité peuvent ainsi se révéler des freins à la promotion, corollaire de trappes à bas salaires.
10 mai 2023 - Les Rencontres du CESE - Le Travail dans tous ses états
à 11h45 - Les rémunérations: Table ronde animée par Jean-Hervé Lorenzi, Titulaire de la Chaire TDTE et président des Rencontres Economiques d’Aix-en-Provence
Intervenants, dans l'ordre chronologique :
- Éric Heyer, Directeur du département Analyse et prévision, OFCE.
- Denis Ferrand - Economiste, DG de Rexecode,
- Thomas Breda, Economiste à l’Ecole d’économie de Paris,
- Evanne Jeanne-Rose, Membre du CESE,
- Marie-Aleth Grard, Présidente ATD quart-monde.