Depuis 2012 la hausse des coûts salariaux horaires en France a été légèrement inférieure à celle de la zone euro et significativement plus lente qu’en Allemagne. Cette tendance à l'amélioration d'un point clé de la compétitivité-coût de la production française est pour le moment interrompue, en raison notamment de l’abaissement début 2018 du taux du CICE de 7 à 6% de la masse salariale. Que se passera-t-il en 2019 avec la transformation du CICE en allègement de cotisations ?

En 2012 l’écart de coûts salariaux entre la France et ses partenaires européens était au plus haut

En 2000, le coût salarial horaire en France était inférieur de 15,7% au coût allemand dans l’industrie manufacturière. Douze ans plus tard cet écart avait disparu, entre modération salariale en Allemagne, progression un peu plus vive des salaires et hausse du poids des charges annexes au salaire en France.

Même constat pour l’ensemble des secteurs marchands où le coût salarial horaire en France était inférieur de 7,3% au coût allemand en 2000. Il le dépassait de 10,2% douze ans plus tard. L’écart s’est également creusé vis-à-vis de l’ensemble de la zone euro durant cette période. En 2012, les coûts salariaux horaires en France dépassaient ceux de la zone euro de 22,5% dans les secteurs marchands, contre 17,5% en 2000.

Le tournant du CICE puis du pacte de Responsabilité: les charges annexes au salaire allégées

A compter de 2012, dans la foulée du Rapport Gallois, la mise en œuvre du CICE puis du Pacte de Responsabilité ont permis d’interrompre cette dérive et même de l’inverser. Ainsi en 2017, le coût salarial horaire dans l’industrie manufacturière en France était redevenu inférieur de 7,1% à celui pratiqué en Allemagne. Dans l’ensemble des secteurs marchands, la France ne dépassait plus l'Allemagne que de 4,1% et l'ensemble de la zone euro de 20,5%.

Cette amélioration de la compétitivité-coût a été permise par la stagnation des charges annexes au salaire (contre une hausse de 2,6% en moyenne par an en Allemagne de 2012 à 2017) et, secondairement, par une progression un peu plus lente des salaires horaires en France par rapport aux salaires allemands (1,8% en moyenne par an de 2012 à 2017 contre 2,1% respectivement) dans les secteurs marchands. Un constat similaire peut être établi pour l’industrie manufacturière où l’amélioration de la compétitivité-coût a été permise prioritairement par la stagnation des charges annexes au salaire en France relativement à l’Allemagne.

Evolution des salaires: la concurrence du Sud de l’Europe

L’évolution des salaires horaires a en revanche été plus forte en France que dans l’ensemble de la zone euro en raison de leur faible progression observée en Italie (0,7% par an de 2012 à 2017) et de leur quasi-stagnation en Espagne (0,4% par an). Au total, depuis 2012, le coût salarial horaire en France (charges comprises) a été un peu plus dynamique qu’en Italie et qu’en Espagne dans les secteurs marchands, comme dans l’industrie manufacturière : la moindre progression des charges annexes au salaire ayant été plus que compensée par une dynamique des salaires plus forte.

Coût du travail dans l'industrie manufacturière Zone euro, France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni 1er trim 2023 (histogramme) source Eurostat, calcul Rexecode

La réduction du CICE début 2018: une rupture

Avec la réduction au 1er janvier 2018 du taux du CICE de 7 à 6% de la masse salariale des salariés dont la rémunération est comprise entre 1 et 2,5 Smic, la progression des charges annexes au salaire a rebondi au 1er trimestre 2018. Elle est de 3,1% sur un an dans l’industrie manufacturière et de 3,9% dans les secteurs marchands (en données cjo-cvs). Ce rebond contribue à l’accélération du coût salarial horaire à 2,1% sur un an dans l’industrie manufacturière et 2,5% dans les secteurs marchands en France.

La dynamique du coût salarial horaire français est à présent très proche de celle du coût salarial horaire allemand qui progresse de 2,3 et 2,6% dans l’industrie et l’ensemble des secteurs marchands respectivement. Dans l’ensemble de la zone euro, la hausse du coût salarial horaire est désormais devenue plus faible qu’en France, ressortant à 1,9 et 2,1% dans l’industrie et les secteurs marchands respectivement. Les évolutions de salaire horaire sont inférieures en France à celles relevées en Allemagne. Elles sont comparables à celles relevées dans l’ensemble de la zone euro quelque que ce soit le secteur.

Que va-t-il se passer avec la transformation du CICE en baisse de charges en 2019 ?

Au 1er janvier 2019, le CICE sera transformé en un allègement de cotisations sociales de 10 points au niveau du SMIC, puis dégressif jusqu’à atteindre 6 points pour une rémunération de 1,6 SMIC. Entre 1,6 et 2,5 SMIC, l’allègement sera égal à 6 points du salaire brut.

Cet allègement aura un impact équivalent en moyenne sur le coût salarial horaire à celui du CICE à 7 points, même s’il est davantage concentré sur les bas salaires. Toutes choses égales par ailleurs, le coût salarial français devrait donc connaître au 1er trimestre 2019 un choc à la baisse symétrique à celui à la hausse enregistré au premier trimestre 2018.

Les entreprises verront toutefois au global leur coût du travail augmenter de l’ordre de 5 milliards d’euros, par rapport au CICE à 7 points, car les allègements accroissent la marge imposable et donc l’impôt sur les sociétés dû à ce titre, ce qui n’était pas le cas du CICE. Mais les indices de coût salarial horaire d’Eurostat ne tiennent pas compte de cette différence de traitement fiscal.