Focus
Perspectives économiques à moyen terme
Les présidences Biden et Trump ont au moins un point commun: les grands moyens déployés pour attirer les investissements étrangers aux Etats-Unis, que ce soit à coup de subventions ou de tarifs douaniers. La France affiche la même ambition et semble bien classée en matière d'attractivité en Europe, mais la réalité des choix politiques et des retombées économiques est plus modeste.
Laissons la poussière retomber au sol… Une ligne de force semble se détacher de la politique économique américaine conduite par Biden puis désormais par Trump: le primat donné à l'attractivité des investissements sur le territoire américain. Cette stratégie passe par le maniement alternatif de la carotte et du bâton.
La carotte s'est incarnée dans les dispositifs du Chips Act et de l'Inflation Reduction Act faits de crédits d'impôt et de subventions à l'investissement. Elle tient aussi à la dépréciation du dollar qui favorise la compétitivité-coût de la production aux Etats-Unis et permet une baisse du prix au moment de l'acquisition d'actifs américains pour un investisseur étranger. Le bâton se traduit par l'érection de barrières tarifaires qui sont une incitation à servir le marché américain depuis une production locale.
Une même politique d'attractivité est revendiquée en France. Elle ne mobilise pas les mêmes moyens. Elle s'est récemment incarnée dans un appel au patriotisme des patrons - sans carotte ni bâton. Son temps fort est l'organisation régulière des sommets Choose France qui, en mobilisant les fastes de Versailles, vise à attirer des investisseurs internationaux pour des projets d'implantation ou de développement d'activités en France.
Ses points d'appui comme d'amélioration sont régulièrement réexaminés, notamment dans le cadre de l'indice d'attractivité établi par les Conseillers du Commerce Extérieur. Sa douzième édition parue fin mars 2025 conclut que les réformes économiques récentes ont eu un impact positif sur l'attractivité. Les principaux atouts de la France sont une main-d'œuvre hautement qualifiée, des infrastructures de classe mondiale et le soutien à l'innovation. Ses points d'amélioration: la complexité des procédures administratives, la réglementation proliférante et l'instabilité fiscale.
Sur un autre plan, le baromètre EY sur l'attractivité place régulièrement la France au premier rang en Europe sur le critère du nombre de projets d'investissement internationaux sur son territoire, même s'ils sont relativement moins créateurs d'emplois ou que leurs contenus, selon l'Insee, concerne davantage des emplois faiblement qualifiés.
L'examen des données macroéconomiques de l'investissement fournit une image un peu moins reluisante de notre attractivité. Un point liminaire est que loin d'être univoque, l'analyse des flux d'investissement doit se lire dans deux directions: les flux entrants et sortants. Une politique d'attractivité ne peut se contenter de cibler l'investisseur étranger potentiel mais interroge aussi les conditions pour que les entreprises déjà implantées sur le territoire y matérialisent leurs projets de développement.
Or, une lecture combinée des flux entrants et sortants d'investissement est sans appel. En cumul sur les 15 dernières années, les flux sortants d'investissement direct à l'étranger ont été de 828 milliards d'euros pour des flux entrants de 590 milliards, soit un différentiel de 28%. Cette situation n'est pas propre à la France: en Allemagne, près de 600 milliards d'euros d'IDE sont sortis en net du pays.
Plus remarquable est la faible empreinte relative de l'investissement étranger en France. Malgré nos atouts revendiqués, malgré la place centrale en Europe que notre géographie nous procure, la France affiche la plus faible part de la valeur ajoutée produite par des entreprises sous contrôle étranger parmi les pays de l'Union européenne. En 2022, 15,6% de la valeur ajoutée leur était attribuable, 2 points de moins qu'en Italie et en Allemagne, 6 de moins qu'en Espagne. De ce point de vue, la politique d'attractivité revendiquée en France s'apparente plus à un dispositif de rattrapage qu'à l'affirmation d'un leadership.
Pour l'heure, le récit de l'exécutif est au mieux en avance de phase, au pire dans le déni. L'incantation au patriotisme patronal ne trouvera que peu d'écho si les obstacles à la localisation de l'investissement en France ne sont pas levés, notamment le poids de la fiscalité sur les entreprises plus élevé qu'en Europe. Et cela plus encore au moment où la première puissance économique mondiale livre la bataille de l'attractivité, même de manière désordonnée.
Denis Ferrand est directeur général de Rexecode
> L'attractivité, récit ou réalité ? Les Echos, 29 avril 2025
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