Les résultats pour l’année 2023 confirment ceux de nos éditions précédentes: la durée effective de travail des salariés à temps complets en France reste l'une des plus faibles d'Europe. Si l'on observe l'ensemble des personnes en emploi, la durée de travail est plus longue en France que chez ses voisins européens les plus riches (Allemagne, Suède ou Pays-Bas), mais le taux d'emploi de la population en âge de travailler est plus faible. Nous estimons la quantité de travail supplémentaire qui pourrait être mobilisée dans l’économie française en comparant entre les pays, la quantité d’heures travaillées en moyenne par habitant âgé de 15 à 64 ans. 

Rexecode actualise pour l’année 2023 son étude sur la comparaison européenne de la durée effective du travail. Cette nouvelle édition inclut une comparaison de la quantité effective de travail dans l’économie. 

Depuis 2012, Rexecode exploite les données des enquêtes européennes sur la main d’œuvre (en France, il s’agit de l’enquête Emploi de l’Insee) rassemblées par Eurostat pour réaliser une comparaison de la durée effectivement travaillée en moyenne sur une année par statut d’emploi (salarié, non salarié, temps complet, temps partiel). Cette estimation est la seule à présenter des données méthodologiquement comparables entre pays, même si la comparabilité de données d’enquêtes réalisées dans différents pays n’est jamais totalement acquise. La méthodologie des enquêtes européennes sur la main d’œuvre a été réformée par Eurostat en 2021. Les résultats obtenus après cette révision confirment les constats établis dans les éditions antérieures.

La durée effective de travail des salariés à temps complets en France reste l'une des plus faibles d'Europe

Les résultats pour 2023 confirment ceux des années précédentes: les salariés à temps complet travaillent moins longtemps en France que dans la plupart des pays européens. Les salariés à temps complet en France travaillent 1673 heures par an, soit moins que dans tous les autres pays européens exceptés la Finlande et, depuis cette année, la Suède. L’écart est d’environ trois semaines de travail avec l’Allemagne (1790 heures), qui est à la moyenne européenne. 

L’écart s’est néanmoins réduit entre 2022 et 2023 entre la France et ses voisins. La durée effective du travail des salariés à temps complet a augmenté en moyenne de 5h en France et de 1 heure en Allemagne, alors qu'elle a baissé de 2 heures en moyenne européenne. Cette évolution s’inscrit dans une dynamique de convergence observée depuis plusieurs années. Alors que la durée effective moyenne du travail des salariés à temps complet français varie peu depuis 2005, elle suit une pente descendante en moyenne européenne, et singulièrement en Allemagne. Une partie de la réduction de l’écart en 2023 pourrait aussi refléter les effets de la sortie progressive de la période de la pandémie de Covid-19, encore source de nombreux arrêts maladie en 2022.

La durée effective du travail des salariés à temps complet français varie peu depuis 2005 mais a tendance à diminuer en moyenne européenne, et singulièrement en Allemagne

En France, les personnes en emploi travaillent plus longtemps que dans les pays européens les plus riches

En intégrant les salariés à temps partiel, la France réduit l’écart à la moyenne européenne (1553 heures contre 1630), et passe devant l’Allemagne qui a davantage recours au temps partiel, et pour des durées effectives plus faibles en moyenne qu’en France.  La durée effective du travail des travailleurs non-salariés (y compris indépendants) est en France parmi les plus élevées de l'UE avec 2228 heures par an contre 2157 en moyenne européenne.  La France, qui gagne 1 place entre 2022 et 2023, se classe 5ème.  Sur l’ensemble des personnes en emploi (salariés et non-salariés), la durée du travail en France est 1607 heures par an, ce qui est sous la moyenne européenne (1674), mais au-dessus des pays les plus riches, dont notamment l’Allemagne (1548 heures) et les Pays-Bas (1364 heures).

Mais les Français sont proportionnellement moins nombreux à travailler

Outre la durée effective moyenne, la quantité de travail mobilisée pour la production dans l’économie dépend aussi du taux d’emploi, soit la part des personnes en âge de travailler (15-64 ans) qui sont effectivement en emploi. 

La France affiche un taux d’emploi plus faible que la moyenne de l’Union européenne (68% contre 70%). L’écart est particulièrement important avec les pays les plus riches, dont l’Allemagne (77%), les Pays-Bas (82%), et les pays nordiques. L’écart entre la France et ces pays porte à la fois sur les jeunes de 15 à 24 ans sans emploi ni étude ni formation (les "NEETs"), les chômeurs et les inactifs de 25 à 54 ans ainsi que les séniors sortis du marché du travail avant 64 ans, notamment ceux qui ont fait valoir leur droit à la retraite. Au total, la France compterait environ 2,3 millions d’emplois en plus si elle réhaussait son taux d'emploi au niveau des meilleurs élèves européens. 

Au total, la France compterait environ 2,3 millions d’emplois en plus si elle s'alignait sur les meilleurs élèves européens du taux d’emploi

En proportion de sa population en âge de travailler, la France compte autant de salariés à temps complet que la moyenne européenne ou l’Allemagne (49%), même si des pays comme la Suède ou la Finlande en comptent davantage (respectivement 54% et 53% de la population âgée de 15 à 64 ans). En revanche, la France emploie moins de salariés volontairement à temps partiel  (par opposition à des salariés à temps partiel qui souhaiteraient travailler à temps complet): ils représentent 8% de la population en âge de travailler en France contre 21% en Allemagne et 31% aux Pays-Bas.

La quantité de travail pourrait être augmentée en France en s'alignant sur l'Europe du Nord

La quantité de travail pourrait être augmentée en activant les leviers du taux d’emploi et celui de la durée du travail des personnes en emploi. La quantité de travail supplémentaire pouvant être mobilisée dans l’économie peut être estimée en comparant entre les pays, la quantité d’heures travaillées en moyenne par habitant âgé de 15 à 64 ans. 

Celle-ci est calculée en tenant compte de la durée effective moyenne du travail par statut d’emploi (salarié, non salarié, temps partiel, temps complet) et du nombre d’emplois par statut. La France pourrait augmenter sa quantité de travail de 2% pour égaliser celle des Pays-Bas, 7% pour la Suède (qui est à la moyenne européenne) et 9% pour l’Allemagne. Ce surcroit de travail pourrait s’accompagner d’une baisse de la productivité de sorte que le gain en terme de richesse produite additionnelle serait un peu moindre que les ordres de grandeur précédents, mais le gain pour l’économie resterait considérable.