Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
La France est confrontée à deux problèmes majeurs en matière d’économie du médicament et de santé publique: un accès aux médicaments plus contraint et une attractivité industrielle moins favorable. Si l’industrie pharmaceutique française reste un atout en matière d’exportations, d'innovation et d’emploi industriel qualifié, elle est en perte de vitesse par rapport à ses concurrents européens. La régulation économique du médicament a certes permis d'en baisser le coût pour les patients et plus encore pour les comptes publics, mais elle a contraint les marges et les investissements du secteur, pénalisant la production en France. Moins attractif, le marché français est plus exposé à des pénuries d'approvisionnement, potentiellement coûteuses sur le plan sanitaire et économique.
Au cours des deux dernières décennies, la régulation économique du médicament a réussi à faire baisser le prix des médicaments au profit des patients et des comptes de l'assurance maladie en France. Le prix moyen appliqué aux patients, c’est-à-dire le prix après remboursement par l'assurance maladie mais avant celui des complémentaires santé a baissé, tandis que le volume fourni augmentait et que l’enveloppe budgétaire globale à la charge de l’assurance maladie diminuait.
Mais la France s'est aussi distinguée par une baisse des prix à la production des industriels et des prix à l’importation singulière en Europe. La régulation économique du médicament a eu en réalité un double impact depuis le début des années 2000: d’une part une orientation à la baisse du prix brut des médicaments versé aux producteur, et d’autre part, une baisse de la prise en charge par les pouvoirs publics, de sorte que le prix net pour les ménages a beaucoup moins baissé que le prix brut.
Pour les industriels du médicament, une baisse du prix de la valeur ajoutée signifie une diminution de la capacité à rémunérer les salariés ou à dégager des marges, notamment pour investir. Or cette aptitude s’est bien plus rapidement et fortement érodée dans le cas de la production en France que chez ses grands voisins européens, notamment l’Allemagne et l’Italie, qui n'ont pas connu cette baisse des prix.
La régulation économique du médicament française semble toucher à ses limites dans un contexte international très concurrentiel
Elle est confrontée aux effets de la fragmentation des chaînes mondiales de production et d’une concurrence croissante entre pays pour attirer des sites de production, avec la recherche d’un retour fiscal et industriel local sur les dépenses de santé par les gouvernements.
La France voit son accès aux médicaments devenir plus contraint, qu'ils soient de base ou innovants, ce qui soulève une problématique de santé publique. Son attractivité industrielle pour la production de médicaments est affaiblie. Par ailleurs, la transition écologique génère des surcoûts dans la production et la distribution pharmaceutique qui constituent des contraintes supplémentaires.
Les niveaux de prix des médicaments versés aux producteurs doivent mieux refléter ces enjeux et contraintes, en ajustant si nécessaire le reste à charge, le volume des médicaments remboursés ou l’enveloppe budgétaire. A cet égard, il est possible de mieux capitaliser les bénéfices de l’innovation médicamenteuse lorsque qu’elle génère des économies structurelles dans le système de santé.
De même, la régulation économique du médicament pourrait bénéficier d’une comptabilisation des recettes fiscales et sociales générées par la production d’un médicament sur le territoire national et l’exportation. Enfin, la régulation économique du médicament doit bénéficier d’une gouvernance stratégique à même d’assurer la cohérence entre les différents objectifs de politiques publiques.