Le Pôle Energie-Climat a mené un exercice inédit de prévision des émissions de CO2 en France, en Europe et dans le monde, en lien avec nos perspectives macroéconomiques. Le Covid-19 a provoqué en 2020 une forte récession mondiale qui débouchera, après un rebond en 2021, sur une croissance durablement affaiblie. Les émissions carbone sont revues à la baisse sur l'ensemble de la période 2020-2030. Encore insuffisante pour atteindre les objectifs climatiques, cette baisse a un coût économique exorbitant.

• La crise du Covid-19 entrainera une perte de croissance définitive

Le confinement d’une partie de la planète a provoqué une forte récession mondiale, avec un recul du PIB estimé à -4,6% en 2020. Après un rebond de +6,9% en 2021, le rythme de croissance serait affaibli pour les prochaines années (+3%) selon le nos Perspectives de juin 2020.

Pour la zone euro, la récession serait de -8,6% en 2020, le rebond en 2021 de +6,4%, le niveau d'activité de 2019 n'étant retrouvé au mieux qu’en 2023 (+1,4%). En France, la récession serait encore plus marquée (-10,3% en 2020). Le rebond serait de +7,8% en 2021, puis de +2,8% en 2022, avant que la croissance ne converge vers un potentiel affaibli, de l’ordre de +0,8% par an.

• 143 kilos de CO2 émis pour produire 1000 euros de PIB en France, trois fois moins qu’en moyenne dans le monde

En 2019, les émissions mondiales de CO2 ont atteint 36 milliards de tonnes. L’Union européenne représente 8% des émissions mondiales et la France moins de 1% (327 millions de tonnes de CO2).

La production de 1000€ de PIB en France met en jeu actuellement une quantité d’énergie primaire de 101 kilos d’équivalent pétrole et dégage 143 kilos de CO2. Au niveau mondial, les chiffres sont près de trois fois supérieurs: la production de 1000€ de PIB met en jeu 197 kilos de pétrole et émet 483 kilos de CO2. L’Union européenne est proche de la France pour la quantité de pétrole nécessaire à la production de 1000€ de PIB, mais les émissions de CO2 sont bien plus élevées, à 234 kilos de CO2, la part du charbon étant encore élevée dans plusieurs pays.

• Projections 2020-2030: une baisse des émissions de CO2 au coût économique exorbitant

La récession actuelle entraîne en 2020 une diminution des émissions de CO2 par rapport aux perspectives antérieures: -11,4% pour la France, -9,8% pour l’Union européenne et -7,6% pour le monde. Pour l’ensemble de la période 2020-2030, la révision à la baisse des prévisions d’émissions atteint 190 millions de tonnes pour la France, 1,6 milliard de tonnes pour l’Union européenne et 17,2 milliards de tonnes pour le monde.

Les émissions évitées en raison de la crise doivent être rapprochées de son coût économique. La perte de volume du PIB, cumulée de 2020 à 2030, étant estimée à 1647 milliards d'euros pour la France, le coût économique de la tonne de CO2 non émise est de 8700 €. Ce coût est de 5200 € en moyenne dans l’Union Européenne et de 2200 € en moyenne dans le monde.

Les coûts par tonne de CO2 évitée en raison de la crise sont 20 à 30 fois supérieurs aux coûts des programmes actuels de réductions des émissions.

• La France se rapproche des objectifs 2030, le Monde en est loin

Pour la France, les émissions de CO2 atteindraient 241 millions en tonnes de CO2 pour l’année 2030, soit un écart de 3% par rapport à l’objectif de la Stratégie nationale Bas Carbone pour 2030.

Pour le monde, les émissions sont projetées à 41,7 milliards de tonnes de CO2 en 2030 alors que l’objectif du GIEC pour contenir la hausse de température à 1,5 degrés Celsius est de l’ordre de 20 milliards de tonnes de CO2. L'écart prévision/objectif pour le monde est 3000 fois supérieur à celui de la France.

Ces données incitent fortement à rechercher, au niveau mondial et au niveau de chaque pays, les moyens les plus efficaces pour concilier les objectifs climatiques et les objectifs économiques et sociaux.

Les données et prévisions détaillées sont disponibles en annexe du document de travail N.74