Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), dans un rapport sur la fiscalité environnementale, propose de relancer la fiscalité carbone, un outil qui conditionne l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour le CPO, l’acceptation sociale de la hausse de la taxation du carbone impose son élargissement à tous les secteurs et la transparence sur l’affection de son produit.

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) propose d'augmenter la taxe carbone, pour que la France respecte ses engagements internationaux, en particulier dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. En vigueur depuis 2014, la taxe carbone n’a en effet pas empêché, malgré sa forte hausse, l’accroissement des émissions françaises de gaz à effet de serre (GES). Le rythme actuel de réduction de ces émissions (-19% entre 1990 et 2018) demeure près de deux fois trop faible par rapport aux objectifs retenus (division par quatre entre 1990 et 2050).

Selon le CPO, la fiscalité carbone contribue efficacement à la réduction des émissions des GES, avec un impact négatif "très limité" sur la croissance économique. Mais l’augmentation des importations a pour effet de limiter la baisse de l’empreinte carbone de la France. Cette dernière a progressé de près de 7% entre 1995 et 2017 (de 10,5 à 11,2 t CO2e par habitant), à l’inverse des émissions domestiques (-27% par hab.). Ainsi en 2017, l’empreinte carbone de la France est 1,7 fois plus importante que les émissions nationales, exportations incluses.

Le CPO simule deux trajectoires d’augmentation de la fiscalité carbone à l’horizon 2030, l’une modérée, l’autre plus ambitieuse, permettant d’accentuer la baisse tendancielle des émissions de GES par rapport à 1990. Ces deux scénarios permettraient une baisse des émissions de 29% et de 34% par rapport à 1990, en deçà de l’objectif de réduction de 40% des émissions en 2030 fixé dans la loi. De plus, "seule une tarification supérieure permettrait de dégager des recettes supplémentaires par rapport à 2019" : le rendement tendanciel des instruments de fiscalité énergétique pourrait en effet s’effriter de 9 Md€ en euros constants en 2030 par rapport à 2019, dont 3 Md€ pour la composante carbone.

Pour le CPO, l’acceptation sociale de cette hausse de la taxation du carbone impose son élargissement à tous les secteurs et la transparence sur l’affection de son produit.

• Dans plusieurs secteurs (transport, bâtiment énergie...), l’abandon progressif des 26 niches fiscales sur la consommation d’énergies fossiles (soit plus de 10 Md€ de pertes de recettes fiscales) aurait un impact modéré au niveau macroéconomique (-0,1 point de PIB en 2030 pour une taxe à 100€/t sans recyclage des recettes) selon le CPO. En cas d'augmentation de la taxe carbone, l'impact sur les entreprises serait très hétérogène, les plus pénalisées étant celles des secteurs intensifs en consommation d'énergies fossiles.

Pour les ménages, le surcoût moyen serait de 13 euros par an et par ménage pour une taxe carbone de 100 euros la tonne en 2030, et de 56€ pour une taxe de 250€ la tonne. Pour éviter de relancer la crise des gilets jaunes, le CPO propose des mécanismes de compensation en direction des ménages les plus affectés, notamment les ménages modestes.

La fiscalité environnementale au défi de l'urgence climatique
Conseil des prélèvements obligatoires, septembre 2019

Voir aussi :

Taxer la consommation d’énergie 2019
OCDE, synthèse parue septembre 2019, rapport complet à paraître le 15 octobre

Selon l’OCDE, taxer les sources d’énergie polluantes est un moyen efficace de réduire les émissions de GES. Mais d’une part l’imposition des combustibles polluants est trop faible pour favoriser l’essor des solutions bas carbone : en moyenne dans les 44 pays étudiés, le taux moyen réel de la taxe carbone est quasiment nul. D’autre part dans les économies avancées et émergentes, 70 % des émissions de CO2 liées à l’énergie échappent à toute forme de fiscalité.

Neither euphoria nor despair: Understanding the fall and rise of global energy-related CO2 emissions
IDDRI - Michel Colombier, Yann Robiou du Pont, Thomas Spencer – Study N°4, septembre 2019

L'étude examine les facteurs à l'origine de la baisse puis de l'augmentation des émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie au cours des cinq dernières années (UE, États-Unis, Inde, Chine). Selon les auteurs, la transition énergétique mondiale est "trop lente, superficielle et dispersée". Des secteurs majeurs comme les transports et l'industrie ne montrent aucun signe de transition vers des modèles décarbonés. Une transition énergétique basée sur le seul apport des technologies zéro carbone est un "mirage" et ne permettrait pas la diminution rapide des émissions requise pour atteindre l’objectif de 2°C.