Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
En 2020, malgré la crise liée à la pandémie de Covid-19, le taux de pauvreté et les inégalités n’ont pas augmenté, grâce aux mesures gouvernementales exceptionnelles de soutien aux revenus des ménages. Pour évaluer plus finement l’impact de la crise, en particulier sur les populations les plus modestes, l’Insee a également mobilisé des données issues de comptes bancaires.
Dans deux notes parues le 3 novembre, l'Insee estime que les inégalités de niveau de vie seraient stables en 2020 malgré la crise due au Covid-19 : l’indice de Gini (à 0,289), le ratio entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20% des personnes les plus aisées et celle détenue par les 20% les plus modestes (à 4,4) ainsi que le rapport interdécile entre les seuils délimitant les 10% des personnes les plus aisées et les 10% les plus modestes (à 3,4) resteraient inchangés par rapport à 2019.
Le taux de pauvreté (niveau de vie inférieur à 60% du niveau de vie médian) resterait stable également et s’établirait en 2020 à 14,6% de la population, comme en 2019. Cette stabilité (pour les "ménages ordinaires non étudiants") s’expliquerait par les mesures exceptionnelles mises en place par le Gouvernement pour lutter contre les effets de la crise sanitaire (indemnisation de l’activité partielle, aides à destination des travailleurs indépendants et des ménages modestes). Sans ces aides, le taux de pauvreté monétaire augmenterait de 0,6 point et l’indice de Gini de 0,007 point en 2020, sans compter l’impact des faillites d’entreprises qui seraient advenues.
Néanmoins ces "indicateurs monétaires de pauvreté et d’inégalités ne suffisent pas à éclairer toutes les situations de pauvreté". L'insee souligne ainsi qu'il est possible que la crise sanitaire ait eu un effet plus marqué pour une partie des personnes les plus fragiles, mal captées par les indicateurs habituels, ce que suggère par exemple la forte hausse des volumes d’aide alimentaire distribués en 2020.
Pour compléter son évaluation de l’impact de la crise sanitaire sur les populations les plus précaires par rapport à une trajectoire hors crise, l'Insee a utilisé les données anonymisées de transactions bancaires d’un panel de 203.000 clients de La Banque Postale : revenus (chèques et virements entrants), dépenses (somme des opérations par cartes, retraits, chèques émis et prélèvements) et patrimoine (somme des avoirs sur l’ensemble des comptes d’un client). Elle mesure ainsi la précarité financière des clients sous plusieurs dimensions (en revenus, en patrimoine, en découvert).
En 2020, la crise a affecté globalement les revenus des clients étudiés "de manière limitée et temporaire". Leurs revenus sur l’ensemble de l’année 2020 apparaissent inférieurs de 2% au niveau attendu « hors crise » (-3% pour le quart des clients avec les revenus les plus faibles début 2020), et les dépenses de 6%. Avec les confinements, la forte baisse des dépenses a en effet entraîné une augmentation de l’épargne et une réduction de la proportion de clients à découvert (-2 points par rapport à une trajectoire "hors crise", -3 pour les plus bas revenus).
Cependant, parmi les clients les plus modestes, des populations en marge du marché de l’emploi sont davantage pénalisées. L’Insee étudie spécifiquement le cas des personnes seules, sans personne à charge et percevant le montant maximal du RSA début 2020. Pour ces clients, les aides exceptionnelles Covid-19 versées en mai et en novembre ne compensent que partiellement les pertes de revenus d’activité. Sur l’ensemble de l’année 2020, leurs revenus sont inférieurs de 4% par rapport au niveau attendu "hors crise" (7% sans les aides). Selon l'Insee, cet écart de revenus moyens s’explique par la baisse des retours en emploi des allocataires du RSA, estimée par l’Insee à -4% par rapport à 2019.
Enfin Jean-Luc Tavernier, Directeur général de l’Insee, rappelle dans un billet du blog de l’Insee les limites de ces estimations : seuls les ménages "ordinaires" sont pris en compte, ce qui exclut les personnes qui vivent en communautés (résidences étudiantes, maisons de retraite, casernes, etc.) et les personnes sans domicile. Sont donc exclus une partie des revenus des étudiants (dont les revenus n’ont pas toujours à être déclarés à l’administration fiscale et dont une grande partie des "petits boulots" ont disparu pendant la crise), mais aussi les revenus issus du travail informel, inconnus de l’administration.
Synthèse réalisée par le service Documentation de Rexecode. Pour accéder aux documents, merci de cliquer sur les liens ci-dessous.
Estimation avancée du taux de pauvreté monétaire et des indicateurs d’inégalités - En 2020, les inégalités et le taux de pauvreté monétaire seraient stables
INSEE – Gabriel BURESI, Flore CORNUET - INSEE Analyses N°70, 3 novembre 2021
Impact de la crise sanitaire sur un panel anonymisé de clients de La Banque Postale - Les revenus de la plupart des clients ont été affectés de manière limitée et temporaire
INSEE - Odran BONNET, Tristan LOISEL, Tom OLIVIA - INSEE Analyses N°69, 3 novembre 2021
Le taux de pauvreté serait stable en 2020 : ce que dit cette première estimation et ce qu’elle ne dit pas
Le blog de l’Insee - Jean-Luc Tavernier – 3 novembre 2021