Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
L’Insee, dans la dernière édition de sa revue "Economie & Statistique", exploite une enquête menée en 2019 sur les difficultés de recrutement des entreprises industrielles françaises pour tenter d’expliquer les sources et les conséquences possibles de ces difficultés, notamment sur la productivité industrielle. Un éclairage - basé sur des données "du point de vue de l’entreprise" - inédit.
Une étude publiée par l’Insee dans "Economie & Statistique" vise à mieux comprendre les raisons et les implications des difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises françaises. Cette analyse s’appuie sur une enquête réalisée en septembre 2019 par la Banque de France sur l’utilisation des facteurs de production (UFP), interrogeant notamment les chefs d’entreprises sur leurs difficultés de recrutement, leurs caractéristiques et leurs conséquences. Ces données ont été mises en relation avec les comptes de résultats des entreprises grâce au fichier bancaire des entreprises (FiBEn).
L’analyse, réalisée sur un échantillon d’environ 1000 entreprises industrielles, (de plus de 20 salariés) permet d’identifier quelques caractéristiques communes aux entreprises faisant face à des difficultés de recrutement, et les conséquences de ces difficultés sur l’utilisation des facteurs de production ainsi que sur les performances des entreprises. 79% des entreprises de l’échantillon cherchaient à recruter et parmi elles, 87% déclaraient rencontrer des difficultés à pourvoir ces postes.
• Les entreprises confrontées à des difficultés de recrutement sont en moyenne plus productives que les autres (d’environ 8%).
Parce que ces difficultés d’accès à la main d’œuvre sont susceptibles de constituer un frein à la croissance des entreprises les plus productives, elles pourraient aboutir à une mauvaise allocation des facteurs de production. Les auteurs calculent que par ce biais, les problèmes de recrutement pourraient réduire la productivité moyenne dans l’industrie manufacturière d'environ 0,10 à 0,15% en 2019, "ce qui est faible".
Parmi les motifs avancés, outre les problèmes d’adéquation entre l’offre et la demande en compétence, le niveau des salaires proposés et la concurrence des autres entreprises apparaissent comme des motifs importants de difficulté d’accès à la main d’œuvre.
• Les entreprises attribuant leurs difficultés de recrutement à des salaires d’embauche insuffisants se situent "dans une sorte de trappe" :
Les entreprises qui déclarent avoir du mal à recruter pour des motifs salariaux, proposent un salaire moyen inférieur de 1,8% à celui observé dans les autres entreprises cherchant à recruter. Or ces entreprises pâtissent aussi d’une rentabilité significativement plus faible que les autres entreprises cherchant à recruter. Elles sont donc financièrement plus contraintes pour augmenter les salaires et renforcer leur attractivité.
À l’inverse, les entreprises présentant des difficultés de recrutement liées à la pénurie de main d’œuvre ont un salaire moyen plus élevé de 1,6%. Cela peut s'expliquer par le fait que les entreprises confrontées à des pénuries de main-d'oeuvre chercheraient à conserver leurs salariés grâce à des salaires plus élevés. Ou bien que ces entreprises auraient des salariés en moyenne plus qualifiés et donc mieux payés que ceux des autres entreprises.
• Développer les compétences mais aussi favoriser de meilleures rémunérations sans augmenter les coûts.
Les auteurs concluent que si une "meilleure formation de l’offre de travail" est indispensable, une politique de réduction des difficultés de recrutement doit aussi permettre aux entreprises d’augmenter le revenu du travail à moindre coût (par exemple une augmentation de la prime d’activité). Il convient aussi de réduire l’écart entre les revenus d’activité et des revenus de transferts (chômage, minima sociaux), pour inciter davantage à travailler.
Difficultés de recrutement et caractéristiques des entreprises : une analyse sur données d’entreprises françaises
INSEE, Antonin BERGEAUD, Gilbert CETTE, Joffrey STARY – Economie & Statistique N°534-535, 4 octobre 2022
Voir aussi :
Point sur la conjoncture française à début octobre 2022
BANQUE DE FRANCE, 10 octobre 2022
L’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France interroge les chefs d’entreprise (environ 8500 entreprises ou établissements interrogés entre le 28 septembre et le 5 octobre) notamment sur leurs difficultés de recrutement : elles restent élevées en septembre, à 58% dans l’ensemble des secteurs. Elles se tassent légèrement dans l’industrie, à 48%, restent stables dans les services (60%) et augmentent nettement dans le bâtiment (64%, après 57% en août).