L'Insee, dans son numéro spécial 50ème anniversaire de décembre d'Economie & Statistique, analyse sur longue période l'évolution à la baisse de la part du travail dans la valeur ajoutée, liée au progrès technologique et à la mondialisation. Cette baisse n'est toutefois pas généralisée. Certains pays, comme la France, n'ont pas subi ce déclin, dont la mesure dépend de la période étudiée et de la prise en compte de certains éléments (travailleurs indépendants et revenus immobiliers notamment).

Au cours des vingt dernières années, un grand nombre de pays de l’OCDE ont subi une baisse de la part de la rémunération du travail dans la valeur ajoutée : environ la moitié des pays étudiés ont enregistré un recul prononcé tandis que, dans d’autres, la part du travail est constante ou en hausse.

Dans le Numéro spécial 50ème anniversaire d’Economie & Statistique de l’Insee, Mathilde Pak, Pierre-Alain Pionnier et Cyrille Schwellnus montrent, en s’appuyant sur des données sectorielles et des données d’entreprises, que ce déclin de la part du travail dans la valeur ajoutée s’explique pour les deux tiers par le progrès technologique et la mondialisation. Il est lié à l’émergence de firmes "superstars", à la "frontière technologique" (les 5% d’entreprises présentant la plus forte productivité du travail), dont le contenu en travail est faible. L’expansion des chaines de valeur mondiales, en faisant peser une pression concurrentielle sur le travail, fait aussi partie des facteurs qui y contribuent.

Évolution de la part du travail dans les pays de l’OCDE au cours des deux dernières décennies
Mathilde PAK, Pierre-Alain PIONNIER, Cyrille SCHWELLNUS
INSEE, Economie et Statistique, N°510-511-512, décembre 2019

Tous les pays, toutefois, n’ont pas subi ce déclin de la part du travail dans la valeur ajoutée, que ce soit par l’absence de firmes superstars, ou parce que le marché du travail s’y est révélé plus protecteur.

Gilbert Cette, Lorraine Koehl et Thomas Philippon remettent en question le consensus général d’une diminution tendancielle de la part du travail dans la valeur ajoutée. Grâce à un modèle théorique simple soulignant les principaux facteurs qui influencent l’évolution de la part du travail, ils effectuent une analyse empirique depuis l’après-guerre pour la France et les États-Unis, et depuis les années 1990 pour dix pays de l'OCDE et sur une zone euro limitée à six pays (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas).

Comme le montrent les auteurs, la part du travail dans la valeur ajoutée du secteur marchand ne connaît pas de tendance généralisée à la baisse ou à la hausse. Ils soulignent que le choix de la période a un impact considérable, ainsi que la prise en compte des travailleurs indépendants ou des revenus tirés de l’immobilier résidentiel.

Ainsi, en corrigeant ces trois biais, ils n’observent pas en France de diminution structurelle de la part du travail, mais plutôt une légère augmentation sur les vingt dernières années. Aux Etats-Unis, si la part du travail a diminué, il ne s’agit pas d’une baisse sur le très long terme, mais d’une baisse brutale entre 2000 et 2015.

La part du travail sur le long terme : un déclin ?
Gilbert CETTE, Lorraine KOEHL, Thomas PHILIPPON
INSEE, Economie et Statistique, N°510-511-512, décembre 2019

Labor Share in Some Advanced Countries
Gilbert CETTE, Lorraine KOEHL, Thomas PHILIPPON
INSEE, Document de travail N°G2019-15, décembre 2019