Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Pendant la crise Covid, l’Union européenne a assoupli les règles du recours aux aides publiques pour permettre aux Etats membres de soutenir les entreprises et secteurs en difficulté. La Banque de France a effectué sa propre estimation des aides versées en 2020 par pays, secteurs et types d’entreprise afin d'estimer les risques associés à cet assouplissement des règles et à sa prolongation, pour les finances publiques, le fonctionnement du marché intérieur ou la croissance de long terme.
Dès mars 2020, l'Union européenne a assoupli l'encadrement des aides d’Etat pour faire face à la crise Covid-19. Ces aides sont normalement contraires aux règles du marché intérieur mais des exceptions sont prévues, notamment pour remédier aux dommages issus de "circonstances extraordinaires" ou de "perturbations graves de l’économie d’un État membre". Comme lors de la crise financière de 2008, la Commission a donc proposé un cadre temporaire pour les aides d’État, qui a été amendé à plusieurs reprises afin de le prolonger.et l'étendre.
La Commission européenne estime à plus de 3000 milliards d’euros les montants d’aides autorisés pour les différents États membres à fin décembre 2020. Ce chiffre s’appuie sur l’ensemble des mesures budgétisées dans les communications de la Commission ainsi que sur ses propres estimations pour les mesures dont les montants n’apparaissent pas dans les communications. Trois pays ont particulièrement bénéficié de ces autorisations: l’Allemagne (56% du montant total), l’Italie (14%) et la France (13%). Toutefois, le montant des aides d’État effectivement versés ne s'élèverait qu'à 544 Mds€ fin 2020 selon la Commission. L’Espagne, la France et l’Italie arrivent en tête du ratio de dépenses rapportées à leur PIB d’avant‑crise, avec respectivement 7,5, 6,5 et 6%, contre 3% pour l’Allemagne.
La Banque de France estime que les aides d’Etat ont atteint un total de 1768 Mds€ fin 2020 en se basant sur les communications de la Commission par régime d’aide d’Etat. Seuls 20% (362 Mds€) auraient été ciblées sur des secteurs spécifiques comme la santé, ou les secteurs non "télétravaillables" (transport, tourisme, commerce, etc.). Les autres aides ont visé plus largement les entreprises en difficulté, une part substantielle (193 Mds€) allant aux PME ou travailleurs indépendants, contre 49 Mds€ pour les grandes entreprises.
Etant donné l'ampleur des montants en jeu, la prolongation du cadre temporaire des aides d'Etat est porteuse de risques. Ces derniers sont certes limités à ce stade mais "une vigilance accrue reste de mise" selon les auteurs. Il s’agit notamment de risques d'aggravation de la dette publique, de contradiction avec les objectifs écologiques et numériques de long terme de l'UE, ou de distorsion de concurrence sur le marché intérieur. Le maintien d'aides sur le long terme et avec elles d'entreprises "zombies" pourrait aussi contrarier une réallocation efficace des ressources. La note invite en outre à s’interroger sur l’évolution de la politique de concurrence de l’UE.
Synthèse réalisée par le service Documentation de Rexecode. Merci de cliquer sur le lien ci-dessous pour accéder au document.
Les aides d’État dans la crise Covid-19 : un dilemme européen
Emilie Hermet, Dorothée de Franclieu
Bulletin de la Banque de France N°238/3, 23 novembre 2021
Voir aussi les documents publiés par la Commission européenne dans le cadre du "paquet d’automne" du semestre européen :
2022 Draft Budgetary Plans: Overall Assessment
COM (2021) 900 final, novembre 2021
La Commission européenne évalue chaque année les projets de plans budgétaires des États membres de la zone euro. Elle constate que les États membres sortent des mesures d'urgence pour se concentrer de plus en plus au soutien de la reprise. Les projets de plans budgétaires aboutissent à un déficit nominal global de 4,1% du PIB et un ratio dette/PIB d'environ 96% en 2022, avec de forts écarts au sein de la zone euro.
Rapport sur le mécanisme d'alerte
COM (2021) 741 final, novembre 2021
Ce rapport s'inscrit dans le cadre de la procédure annuelle sur les déséquilibres macroéconomiques. Il souligne que la pandémie a interrompu la réduction des ratios dette/PIB, tandis que les prix des logements ont accélérés, suggérant une aggravation des risques macroéconomiques. La crise a aussi accentué les écarts entre pays membres. Au vu du large excédent de la balance courante à l'échelle de la zone euro, des marges d'intervention existent, la crise ayant montré l'opportunité et la capacité à conduire des politiques communes de soutien.