La BCE estime que la pandémie de Covid-19 et les mesures d’endiguement associées devraient affecter la croissance potentielle des pays de la zone euro. D’une ampleur encore très incertaine à court ou à long terme, l’impact de cette crise sera néanmoins bien plus fort que celui de la crise financière de 2008. Selon la BCE, la contribution du facteur travail sera primordiale pour les variations de la production potentielle. L’effet des défaillances d’entreprises sera également important, bien que plus ambigu.

La Banque centrale européenne analyse dans son dernier Bulletin économique l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la production potentielle dans la zone euro. Elle examine la nature du choc et décrit les canaux par lesquels la pandémie de Covid-19 pourrait modifier les contributions du travail, du capital et de la productivité globale des facteurs (PGF) à la production potentielle.

Les estimations quantitatives sont réalisées grâce à un modèle UCM (modèle à composantes non observées) et à partir des projections de septembre 2020. Il s’agit d’estimations très provisoires, seuls deux trimestres de données macroéconomiques étant publiés au moment de la rédaction de l’article, et les incertitudes entourant l'évolution de la crise sanitaire étant fortes.

Par rapport à la crise financière de 2008, l’impact à la baisse de la crise sanitaire sur la croissance potentielle est bien plus important. Selon les dernières estimations la croissance potentielle annuelle s’établirait en moyenne en zone euro entre –0,3% et 1,1% entre 2020 et 2022, contre 1% et 2% dans les prévisions de décembre 2019. Après la crise de 2008, elle était estimée entre 0,0% et 0,7% par an (2009-2012).
La production potentielle diminuerait cependant moins que le PIB en volume, entraînant «une réduction sans précédent de l’écart de production».

• Le taux de chômage et le nombre d’heures travaillées par salarié seraient les composantes les plus affectées par le choc. Le NAIRU (taux de chômage compatible avec une inflation stable) augmenterait significativement et resterait élevé en 2022. L'impact pourrait cependant être atténué par les dispositifs de chômage partiel. Le recul de l’investissement jouerait un rôle, mais moins significatif. Enfin, les révisions de la croissance de la PGF auraient un effet relativement faible sur la croissance potentielle.

• Les défaillances d'entreprises joueront aussi un rôle déterminant. A partir des comptes financiers, issus des données Orbis et iBACH, des entreprises opérant dans le secteur privé de 4 pays (Allemagne, Espagne, France, Italie, la BCE estime le nombre d’entreprises présentant un risque de défaut en raison de la crise. L’Espagne serait le pays le plus affecté avec environ 25% des entreprises présentent un risque d’illiquidité sans mesure de soutien (environ 21% en France).

L’impact des sorties d’entreprises sur la croissance de la productivité (PGF) est ambigu. Il pourrait en effet être positif à moyen terme, grâce à l’accélération de la digitalisation des entreprises, à la réallocation du capital et du travail des secteurs faiblement productifs comme le tourisme vers des secteurs plus fortement productifs, ou du fait d’un « effet d’assainissement » touchant les entreprises faiblement productives. Cependant, le choc de la Covid n’étant pas de nature économique mais exogène, les défaillances pourraient également affecter des entreprises productives.

Synthèse réalisée par la Documentation de Rexecode, voir ci-dessous les références des documents.

L’impact de la COVID-19 sur la production potentielle dans la zone euro
Banque centrale européenne – Katalin Bodnár, Julien Le Roux, Paloma Lopez-Garcia et Bela Szörfi - Bulletin économique N.7/2020, 12 novembre 2020

Voir aussi :

The impact of ICTs and digitalization on productivity and labor share: Evidence from French firms
Banque de France - Gilbert Cette, Sandra Nevoux, Loriane Py – Document de travail N°785, 13 novembre 2020

La Banque de France analyse l’impact de l’emploi de spécialistes en technologies de l’information et de la communication (en interne ou externe) et l’utilisation de technologies digitales (cloud et big data) sur la productivité et la part du travail dans la valeur ajoutée des entreprises. Cette analyse s’appuie sur les réponses à l’enquête 2018 de la BDF sur la durée d’utilisation des équipements de 1065 entreprises industrielles françaises. Les auteurs estiment que l’emploi de spécialistes TIC en interne et l’utilisation de big data améliorent la productivité du travail d’environ 23% et la productivité globale des facteurs d’environ 17%. Ils ont également un impact à la baisse sur la part du travail dans la valeur ajoutée, d’environ 2,5 points de pourcentage.