La Banque de France a ajusté ses prévisions économiques pour la France au contexte incertain de la guerre menée par la Russie en Ukraine et propose une première évaluation de l’impact potentiel du conflit dont le principal canal de diffusion à l'économie est l’inflation. Cette dernière restera "élevée tout au long de 2022, et probablement aussi en 2023" dans le cas d’une situation durablement plus dégradée que fin février. La BCE a revu ses prévisions de croissance pour la zone euro à la baisse et explore également des scénarios alternatifs.

Dans ses dernières projections macroéconomiques pour la France en 2022-2024, la Banque de France évalue l’impact de l’invasion russe en Ukraine sur la croissance économique et l’inflation en France.

Dans un contexte de forte incertitude, la Banque de France explore deux scénarios envisageables pour l'économie française d’ici 2024.

Ces scénarios intègrent des informations disponibles jusqu'à début mars, y compris le "bouclier tarifaire" jusqu’à fin 2022, mais ne tiennent pas compte des mesures du plan de résilience (qui sera dévoilé par le gouvernement le 16 mars).

Le premier scénario s’appuie sur des hypothèses arrêtées le 28 février 2022 dans le cadre des projections de l’Eurosystème. Il est qualifié de "conventionnel" car il fournit une "photographie" de l’économie à une date donnée dans un contexte très instable. Le scénario alternatif dit "dégradé" retient des hypothèses plus défavorables sur les prix de l’énergie et sur les chocs d’incertitude. Cela n'exclut pas pour autant des évolutions encore plus sévères avertit la Banque de France, tel un embargo sur les livraisons de gaz russe.

La crise russo-ukrainienne se diffuserait à l’économie française par trois grands canaux, avec un impact variable selon le scénario retenu :

• Hausse des prix des matières premières (énergie et produits alimentaires). Dans un scénario "dégradé", la Banque de France prévoit une hausse plus importante et durable des prix des matières premières que dans le scénario conventionnel. Le pétrole atteint 125$ le baril en 2023-2024, contre 93$ au plus haut entre 2022 et 2024 dans le scénario conventionnel, le gaz naturel 200€/MWh en 2023-2024, au lieu de 43 à 102€/MWh entre 2022 et 2024. Le scénario dégradé intègre les conséquences sur les prix des produits alimentaires d’une hausse du cours du blé de l’ordre de 65% par rapport à son niveau de fin février. Le risque de rationnement sur les approvisionnements en Europe, très difficile à quantifier, n’est pas intégré.

• Poussée des tensions financières et plus globalement de l’incertitude. Dans le scénario conventionnel, ce canal contribuerait à réduire le PIB en France de l’ordre d’un demi-point cumulé sur les 2ème et 3ème trimestres 2022. Dans le scénario dégradé, ce facteur pèserait d’un demi-point supplémentaire en 2022-2023.

• Commerce extérieur: baisse de la demande adressée à la France. Dans le scénario conventionnel, la demande adressée à la France serait réduite globalement de – 0,5 point en 2022 par rapport aux prévisions de mi-février. Dans le scénario dégradé, la demande mondiale adressée à la France serait réduite en 2022 d’environ –1,4 point supplémentaire.

Dans les deux scénarios, les perspectives de croissance de la France, tout en restant positives, seront "affaiblies, essentiellement en 2022 et 2023".

Selon le scénario "conventionnel", la croissance du PIB de la France serait limitée à 3,4% en 2022 et 2,0% en 2023, (contre 3,6% et 2,2% prévus en décembre 2021), puis s’établirait à 1,4% en 2024 (comme dans la précédente prévision). Dans le scénario "dégradé", la croissance de l’économie française serait ramenée à 2,8% en 2022, à 1,3% en 2023 et à 1,1% en 2024.

L’inflation serait élevée sur l’année 2022 (de 3,7% à 4,4% selon le scénario), malgré l’atténuation de l’impact des prix de l’énergie sur les prix de détail grâce au bouclier tarifaire. La hausse de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) s’élèverait à 3,7% en moyenne sur 2022 et serait proche de 4,0% au moins jusqu’en septembre dans le scénario conventionnel. Elle s’établirait à 4,4% en 2022 et 3,3% en 2023 dans le scénario dégradé. Dans les deux scénarios, elle redescendrait sous les 2% d’ici 2024.

Pour les entreprises, le choc sur les prix des intrants et le ralentissement de l’activité se traduiraient en 2022 par un taux de marge assez nettement inférieur au niveau d’avant-crise dans les deux scénarios et à un ralentissement de l’investissement (2,3% dans le scénario conventionnel et –0,5 % dans le scénario dégradé).

Pour les ménages, le choc d’inflation pèserait transitoirement en 2022 sur leur pouvoir d’achat (de façon plus marquée dans le scénario dégradé), sous réserve des mesures qu’adoptera le gouvernement. La consommation des ménages progresserait pourtant de 5,1% en moyenne en 2022 dans le scénario conventionnel et de 4,3% dans le scénario dégradé, surtout en raison du rattrapage du début d’année.

Synthèse par le service Documentation de Rexecode. Suivre le lien ci-dessous pour accéder au document.

Projections macroéconomiques France
BANQUE DE FRANCE, 13 mars 2022

Point sur la conjoncture française à début mars 2022
BANQUE DE FRANCE, 13 mars 2022

Prévisions BCE mars 2022

La BCE revoit ses prévisions de croissance et d'inflation pour la zone euro et envisage deux scénario alternatifs plus ou moins sévères.

Sur la base des informations disponibles au 2 mars 2022, la BCE retient que les perturbations de l'approvisionnement énergétique et les impacts négatifs sur la confiance liés à l'invasion de l'Ukraine par la Russie sont temporaires et que les chaînes mondiales d'approvisionnement ne seront pas fortement affectées. Malgré un impact négatif sur la croissance en 2022, l'activité devrait encore progresser à un rythme relativement soutenu au cours des prochains trimestres.

La croissance de la zone euro serait de 3,7% en 2022, 2,8% en 2023 et 1,6% en 2024. La hausse de l'inflation ralentirait, l’IPCH passant d'une moyenne de 5,1% en 2022 à 2,1% en 2023 et 1,9% en 2024. À moyen terme, la croissance convergerait vers les taux moyens historiques, malgré une politique budgétaire moins favorable et une hausse des taux d'intérêt.

Compte-tenu du fort climat d'incertitude, la BCE présente deux scénarios alternatifs :

• un scénario "défavorable" avec des sanctions plus strictes envers la Russie entraînant des perturbations dans les chaînes de valeur mondiales, une hausse plus forte mais transitoire des coûts énergétiques, des perturbations financières supplémentaires et une incertitude plus persistante. La croissance de la zone euro serait alors inférieure de 1,2 point au scénario de référence en 2022 et l'inflation supérieure de 0,8 point. Les écarts seraient plus limités en 2023. En 2024, la croissance serait un peu plus forte (+2,1%) à la faveur d'un rééquilibrage des marchés énergétiques.

• un scénario plus "sévère" ajoute au premier des réactions plus fortes des prix de l'énergie (baisse plus forte de l'offre) et des marchés financiers et des effets secondaires plus importants de la hausse des prix de l'énergie. La croissance de la zone euro serait alors inférieure de 1,4 point au niveau de référence en 2022 et l'inflation supérieure de 2,0 points. L'impact serait aussi plus négatif en 2023 (+2,3%) et le rattrapage de 2024 moins fort (+1,9%).

ECB Staff macroeconomic projections for the Euro area
BANQUE CENTRALE EUROPEENNE, 10 mars 2022

Voir aussi :

Dans une note, la FAO rappelle le rôle essentiel de l'Ukraine et de la Russie sur les marchés agricoles mondiaux et souligne les risques que fait peser le conflit et les sanctions internationales sur les approvisionnements, par des canaux directs (impact sur les récoltes, la logistique, les exportations) et indirects (prix de l'énergie, change, etc.). Selon ses simulations, en cas de réduction brutale des exportations de céréales et de graines de tournesol des deux pays, les sources alternatives ne compenseraient que partiellement la perte en 2022/23. Le déficit d'approvisionnement pourrait entrainer une hausse des prix des produits alimentaires et des aliments pour animaux de l'ordre de 8 à 22%, partant de niveaux déjà élevés. Ce déficit serait "considérable" en cas de maintien des prix du pétrole brut à des niveaux élevés et d'une prolongation des effets du conflit au-delà de la saison 2022/23.

The importance of Ukraine and the Russian Federation for global agricultural markets and the risks associated with the current conflict
INFO-NOTE (FAO) 2022, 11 mars, 41 p.