L’écart entre la pression fiscale exercée sur les grands groupes et les PME s’est largement réduit en France entre 2007 et 2019 selon un rapport de mission de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Cette convergence moyenne masquerait cependant une grande variété de situations au sein de chaque catégorie d’entreprises, avec notamment une forte disparité des taux d’imposition des bénéfices des sociétés du CAC 40.

Suite notamment au rapport de Institut des politiques publiques (IPP) de 2019 sur les différentiels de taux d’imposition implicites des profits en France, la commission des Finances de l’Assemblée nationale a souhaité disposer d’une estimation objective et actualisée de l’effort fiscal des entreprises. Le rapport d’information co-signé par Eric Coquerel (LFI, Nupes) et Jean-René Cazeneuve (Renaissance), fait le point sur les différentiels de taxation des entreprises en fonction de leur taille et de leur capacité contributive.

L’écart du taux implicite d’imposition des bénéfices* des grandes entreprises et des entreprises de plus petite taille s’est largement réduit depuis 2012, selon les études réalisées par l’IPP, le Conseil des prélèvements obligatoires ou la Direction du Trésor sur la période 2005-2019. Selon cette dernière, il s’élevait en 2019 à 27,5% pour les PME et à 25,9% pour les grandes entreprises, soit un écart de 1,6 points, contre près de 10 points en 2007.

Cette convergence provient essentiellement de la limitation, en France et au niveau international, de dispositifs dont bénéficient surtout les grands groupes : optimisation fiscale, déductibilité des charges d’intérêts, impôt mécénat, régime d’intégration fiscale, régime "mère-fille" (qui permet sous certaines conditions d’exonérer les dividendes versés à la société mère), etc. Le rapport note également "une convergence de l’assiette, du taux et des règles régissant l’impôt sur les sociétés avec les autres États de l’Union européenne".

Cette convergence entre petites et grandes entreprises masque toutefois une grande variété de situations. Le taux moyen d'IS (impôt sur les sociétés) des entreprises du CAC 40 s'élevait en moyenne à 25% en 2021. Mais "certaines de ces entreprises s’acquittent d’un impôt sur les sociétés bien inférieur à ce qui aurait pu être attendu au regard de leur résultat fiscal". Pour 13 d’entre elles, le rapport entre le montant d’IS déclaré et le résultat fiscal est inférieur à 7%. Pour deux, ce taux est proche de 0%.

Les rapporteurs recommandent notamment d’évaluer certains dispositifs fiscaux : la déduction des charges d’intérêt (coût pour l’Etat: 16,5 Mds€ en 2021), le régime "mère-fille" (coût: 20 Mds€) ou le taux réduit d’IS s’appliquant aux PME (15% au lieu de 25%, pour un coût de 2,6 Mds€).

Les distorsions entre grandes et petites entreprises proviennent également de "leur capacité plus ou moins grande à se saisir des mécanismes d’allègement prévus par la loi" tels que les dispositifs de réduction de base ou de taux, de report des déficits, ou de crédits d’impôts. Selon le rapport qui la cite, "l’étude de l’institut Rexecode parue le 12 juillet 2023 confirme entre autres ce constat, estimant que la multiplicité de dispositifs pénalise en premier les entreprises les plus petites, "pas toujours en mesure de souscrire aux dispositifs auxquels elles sont éligibles".

Rappelons que la note Rexecode sur les aides publiques conclut aussi que "toute réorientation de dispositifs d’aides en faveur de nouvelles priorités de politique publique est susceptible de mettre des entreprises en difficulté en fragilisant l’équilibre économique des activités bénéficiaires, avec des conséquences sur l’emploi et sur les territoires. L’extinction de dispositifs ne peut donc être envisagée que de manière très graduelle et prévisible".

Synthèse par la Doc de Rexecode, lien vers le document ci-dessous.

Rapport d'information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises
Eric Coquerel, Jean-René Cazeneuve
Assemblée nationale, Rapport d’information N°1538, 19 juillet 2023

* Note : Taux implicite d’imposition des bénéfices : "montant d’impôt payé par les entreprises selon leur taille ou secteur d’activité par rapport à une base économique permettant de neutraliser la plupart des règles d’assiette de l’impôt sur les sociétés. Cet indicateur calculé par les économistes se fonde ainsi sur une base harmonisée pour comparer l’effort fiscal des entreprises. Les rapporteurs précisent toutefois que les travaux qu’ils examinent ne retiennent pas tous la même méthodologie et ne portent pas sur des périodes identiques. Les résultats sont néanmoins globalement convergents."