Focus
Perspectives économiques à moyen terme
Dans le contexte de la guerre en Ukraine et du repositionnement stratégique des Etats-Unis, l'Union européenne est contrainte de réévaluer son approche de la défense et prévoit d’augmenter ses dépenses militaires avec son plan "ReArm Europe". S’appuyant sur les données d’Eurostat pour 2023, une note de Fipeco établit un état de ces dépenses en France et dans les autres pays de l’UE. Quelques notes récentes (Kiel, Ofce, Direction du Trésor…) examinent les voies de financement possibles ou l’impact économique d’un renforcement de la défense européenne.
La Commission européenne a présenté le 19 mars un livre blanc sur la Défense recensant les besoins d’investissement liés au soutien à l’Ukraine et au renforcement de la sécurité européenne. Ce livre blanc est publié dans le cadre du plan "ReArm Europe" / "Préparation à l’horizon 2030", qui prévoit de mobiliser jusqu’à 800 milliards d'euros d’investissements supplémentaires dans la défense à horizon 2030.
> Joint White Paper for European Defence Readiness 2030
Commission européenne, JOIN(2025) 120 final, 19 mars 2025
Eurostat a publié un point statistique sur les dépenses militaires des pays membres de l’UE dont les données sont issues de sa base sur les dépenses générales des gouvernements par fonction (COFOG). En 2023, les dépenses publiques de défense des pays de l'UE s'élevaient à 227 milliards d'euros, soit 2,7% des dépenses publiques totales. Cela équivaut à 1,3% du PIB. Au niveau de l'UE, la part des dépenses de défense dans les dépenses totales a diminué depuis 1995 (3,0%) mais a toutefois augmenté sur la période récente, passant de 2,4% des dépenses totales en 2021 à 2,7% des dépenses totales en 2023.
> How much do governments spend on defence?
Eurostat, 27 mars 2025
Dans une note, Fipeco propose une mise en perspective de ces données Eurostat et compare notamment le niveau de dépenses militaires de la France à celles des autres pays de l’Union européenne à partir des données Eurostat. En 2023, avec des dépenses militaires représentant 1,8% du PIB, la France se situe au huitième rang de l’UE. Avec 1,1% du PIB, l’Allemagne est au 20ème rang. Seuls les pays baltes, la Grèce et la Pologne ont atteint ou dépassé l’objectif de 2,0% du PIB fixé par l’OTAN. Par rapport à 2021, avant l'agression russe en Ukraine, l’augmentation des dépenses de défense a été "insignifiante" de 0,1 point de PIB, aussi bien en moyenne européenne qu’en France ou en Allemagne. La hausse a été par contre plus significative (au moins +0,5 point de PIB) en Hongrie, dans les pays baltes, en Pologne, au Danemark et en Suède. Fipeco souligne que les dépenses militaires estimées par l’OTAN s’appuient sur une méthodologie un peu différente de celle d’Eurostat et sont en général plus élevées. Pour 2023, elles étaient par exemple estimées à 2,0% du PIB en France et 1,6% en Allemagne.
> Les dépenses militaires dans l’Union européenne en 2023
Fipeco, François Ecalle, 26 mars 2025
A noter: La base de données du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) sur les dépenses militaires (SIPRI Military Expenditure Database), mise à jour chaque année selon l'exercice budgétaire de chaque pays, contient des séries chronologiques sur les dépenses militaires des pays pour la période 1949-2023.
Plusieurs notes récentes examinent les leviers de financement mobilisables pour augmenter les dépenses de défense en Europe, ainsi que l’impact économique de cette hausse des dépenses.
Une note Rexecode analyse le poids de l'industrie de la défense en France et sa singularité en Europe, ainsi que les enjeux d'une augmentation de la demande pour l'économie française.
> Industrie de la défense en France: ordres de grandeur et enjeux
Rexecode, Anthony Morlet-Lavidalie, Point d'actualité N.320, mars 2025 (accès réservé)
Une note analyse du Kiel Institute for the World Economy analyse l'impact de l'augmentation des dépenses militaires sur la croissance européenne. Selon une estimation prudente, le PIB européen augmenterait de 0,9% à 1,5% si les dépenses de défense passent de 2% à 3,5% du PIB, avec des gains de productivité à long terme potentiellement substantiels. La croissance du PIB serait plus faible, voire négative, si les augmentations sont financées par des hausses d'impôts plutôt que par des emprunts. Les augmentations des dépenses de défense devraient être principalement financées par la dette publique.
> Guns and Growth: The Economic Consequences of Defense Buildups
Kiel Institute for the World Economy - Ethan Ilzetzki, Kiel Report N°2, février 2025
Deux note Natixis évaluent l’impact des mesures de hausse des dépenses de défense annoncées par l’Allemagne. LA première examine l'impact sur les finances publiques allemande, présente le plan "ReArm Europe" ainsi que les leviers mobilisables pour financer un effort supplémentaire en faveur de la défenses au niveau européen. La seconde note évalue les bénéfices potentiels pour l’économie française.
> Quelles sont les implications macroéconomiques du virage européen de la défense ?
> Virage de la défense européen : une opportunité pour la France ?
Natixis – Special Reports, mars 2025
Une étude de la DG Trésor analyse la situation économique et financière des entreprises françaises de défense, soit de la BITD (Base industrielle et technologique de défense) en France, sur la période 2016-2021.
> Quelle était la situation financière des entreprises de la BITD avant la guerre en Ukraine ?
Direction générale du Trésor – Trésor Eco N°360, mars 2025
Une note OFCE examine la question du financement des priorités stratégiques européennes. Selon l’auteur il est "possible et nécessaire" pour l’Europe de financer trois priorités simultanément : la défense européenne, la transition climatique et numérique, et le renforcement des infrastructures et du modèle social européen. La capacité budgétaire isolée de chaque État européen étant limitée, l'auteur suggère de diversifier et mutualiser les mécanismes de financement, notamment par la dette.
> Concilier les urgences de financement en Europe : Défense, Climat et Social
Blog OFCE, Luiz A Pereira Da Silva, mars 2025