Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Selon le Cepii, le soutien à la relocalisation et plus généralement à la production industrielle nécessite des interventions coûteuses. Plutôt qu’une politique systématique, il doit être envisagé comme un outil visant des objectifs bien identifiés.
La crise sanitaire de 2020 a réactivé en France le débat sur la relocalisation de la production industrielle (retour en France d’une activité délocalisée à l’étranger), que les économistes du Cepii préfèrent élargir à la problématique de la désindustrialisation. Si seuls 144 cas de délocalisations sont identifiés depuis 2009, en France l’industrie (hors construction) a clairement perdu du terrain. Elle ne compte plus que pour 13,4% du PIB en 2019, contre 19,2% en moyenne dans la zone euro, et jusqu’à 24,2% en Allemagne.
Or, le soutien à l’industrie nationale a un coût, que l’on effectue un arbitrage des ressources publiques en sa faveur (baisse des impôts de production par exemple) ou que l’on adopte des mesures commerciales (tarifaires, règlementaires…) visant à privilégier la production française. Par exemple, la hausse de l’inflation consécutive à une baisse des importations en provenance de pays à bas salaires réduirait le pouvoir d’achat des ménages, avec une baisse de revenu réel estimée à 0,4% à long terme (0,7% en cas de mesures de représailles par les pays partenaires).
Selon le Cepii, la mise en œuvre d’une politique de soutien à la réindustrialisation peut se justifier, mais de manière "sélective et ciblée" en fonction des trois types d’objectifs qui peuvent la motiver :
Améliorer le solde courant
La structure de la balance courante reflète le mode d'internationalisation des entreprises françaises : l’important déficit des échanges de biens est à peu près compensé par les revenus tirés de l'utilisation de facteurs de production français dans la production à l'étranger. Dans la mesure où les revenus tirés de la production à l'étranger n'apportent pas les mêmes bénéfices collectifs que les recettes d'exportation (emploi, recettes fiscales), "vouloir favoriser les exportations reste donc pertinent".
Défendre l’autonomie stratégique de la France
Sécuriser l’approvisionnement de certains produits stratégiques justifie un soutien à l’industrie, même avec un "surcoût substantiel". La crise a souligné cette nécessité dans les domaines de la santé et des infrastructures numériques. Cet objectif doit toutefois être limité "aux produits dont l’importance est critique pour la collectivité".
Mettre à profit les externalités du secteur industriel
L’industrie a des spécificités territoriales, sociales et technologiques et engendre des effets qui justifient des mesures de soutien. Par exemple, elle rémunère bien les qualifications faibles ou intermédiaires et a une activité répartie sur l’ensemble du territoire. L’industrie est aussi un secteur innovant. Or, pour certains produits, la complémentarité entre R&D et production s’avère importante. "La disparition des activités de production peut, en endommageant les "communs industriels" qui facilitent des interactions au niveau des territoires, affecter la capacité d’innovation" de l’économie française.
Synthèse réalisée par la Documentation de Rexecode, voir ci-dessous les références du document.
Relocaliser, réindustrialiser : dans quels buts ?
CEPII, Sébastien Jean et Vincent Vicard, La Lettre du Cepii N°410, septembre 2020
Voir aussi :
Relocaliser la production après la pandémie ?
Fondation pour l’innovation politique - Paul-Adrien HYPPOLITE, septembre 2020
La note détaille les arguments qui motivent le discours en faveur des relocalisations industrielles, puis illustre les limites et difficultés posées par cette ambition.
Relocaliser en France avec l'Europe
Fondation pour l’innovation politique - Yves BERTONCINI, septembre 2020
La note présente les principaux outils européens susceptibles d’avoir une incidence sur les relocalisations d’activités économiques.