Arnaud Montebourg a conclu la réunion de Perspectives économiques à moyen terme de Rexecode (mars 2025) et le débat consacré au décrochage européen. Le souverainisme progresse en France et en Europe mais "à une vitesse beaucoup plus lente que les adversaires maintenant révélés de nos intérêts" que sont la Chine et les Etats-Unis a-t-il souligné. L'Europe devra recourir, elle aussi, à un protectionnisme multidimensionnel: industriel, financier, numérique et "vert".

30 ans de mondialisation

"Soudain, nous assistons une sorte de rétrécissement du monde. C'est la fin du village global, du doux commerce et de la mondialisation heureuse. C'est la fin de l'OMC, l'OMS, l'ONU, l'OTAN, la COP… beaucoup d'éléments qui nous ont rassemblés sont en train d'exploser devant nous en morcelant le monde" a souligné Arnaud Montebourg en introduction de son intervention.

Cette remise en cause de la mondialisation, n'est pas selon lui "une espèce de crise d’urticaire liée au peuple américain", mais un mouvement de fond: "je pense que tout cela est beaucoup plus profond et mérite d'être considéré comme non conjoncturel pour parler comme un économiste. La mondialisation est condamnée par les peuples" parce qu'elle a été à la source de fortes inégalités. 

"La remontée des droits de douane, finalement, est l'équivalent politique d'une reprise de contrôle par la population de son économie."..."Ce n'est pas une prédiction, c'est une intuition, c'est presque une conviction: par voie d'escalade et réplication des hausses de droits de douane, nous allons peut-être retrouver le niveau des barrières douanières qui existait avant les accords de démantèlement de l'Uruguay Round en 1994 et sa concrétisation à Marrakech et la naissance de l’OMC. La mondialisation, dans cette forme-là, aura donc duré 30 ans."

Souveraineté industrielle, financière et numérique

Le souverainisme est en train de progresser en France et en Europe mais "à une vitesse beaucoup plus lente que les adversaires maintenant révélés de nos intérêts, c'est à dire pas seulement la Chine, mais les États-Unis d'Amérique".  Il faudra à la fois l'intensifier et l'étendre.

Pour fonctionner les politiques de réindustrialisation requièrent d'abord une forme de protectionnisme sur le plan du soutien direct à l'innovation et à l'industrie (plans d'intervention publique, la commande publique..).

"Selon le rapport Draghi, il faut trouver 800 milliards d'euros pour réinvestir dans la technologie et l'industrie, et il faut désormais encore 800 milliards pour réarmer militairement l'Union européenne dans l'ensemble de ses composantes nationales. Cela fait 8% du PIB européen. C'est bien au-dessus de la capacité d'endettement de l'Union européenne qui a comme recette propre, la taxe carbone à 1 ou 2 milliards par an. C'est donc l'épargne privée qui va devoir faire l'objet de mesures d'autorité et de protectionnisme (...) Il y a un moment il va falloir qu'on prenne les décisions sinon nous allons financer notre destruction ou en tout cas notre asservissement. Nous finançons par notre épargne, notre travail, le rachat de notre économie par les autres. Cela ne sera pas possible."

"Nous sommes dépendants au cloud américain à 70% contre seulement 50% il  y a 5 ans. Les hyperscalers, c'est à dire Amazon web Services, Microsoft et Google cloud imposent des hausses de prix parce qu'ils sont en situation de monopole sur nos entreprises". Nous livrons des masses de données indispensables au calcul quantique, à l'intelligence artificielle et ainsi "nous augmentons notre propre vassalisation". Arnaud Montebourg, croit peu à une action décisive de la Commission européenne fondée sur l'abus de position dominante, mais pense que " trois ou quatre pays vont forcément, à un moment ou un autre, prendre l'initiative de décider de bloquer à la demande et donc d'utiliser l'outil européen pour faire bloquer et organiser la substitution de ces plateformes et organiser après le réarmement militaire, le réarmement numérique. "

Pour un protectionnisme vert

Le réchauffement climatique, la question écologique sont les oubliés de la confrontation des nations naissantes. "On a écarté cela parce que ce sont des entraves à notre renaissance". Il faut faire une décroissance brune et une super croissance vert pour compenser la décroissance brune qui est dominante. C'est comme une révolution industrielle dans un temps rétréci qu'il faut organiser. " 

 

"La bonne synthèse de tout cela pour rassembler les Européens autour d'un avenir, c'est d'être ultra protectionniste, industriellement, agricolement, financièrement, numériquement, écologiquement, climatiquement, et en même temps relaisser le pouvoir aux nations, une forme de liberté d'agir".

> L'intégralité du discours d'Arnaud Montebourg est disponible en audio sur Youtube et Dailymotion
> La transcription du discours est à télécharger ci-dessous