Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Depuis les années 50 les gains de productivité du travail fléchissent dans les économies développées. L'adoption des technologies numériques a permis un rebond de la productivité américaine entre 1990 et 2004, et un mouvement similaire mais beaucoup plus modeste en France. Depuis, et plus encore depuis la crise, la productivité a de nouveau ralenti en dépit des avancées technologiques. Emannuel Jessua revient sur ce paradoxe et sur les spécificités françaises.
La croissance de la productivité qu’ont connue les économies occidentales, dont la France, durant les 30 glorieuses est atypique : elle correspond à une période de rattrapage économique au sortir de la seconde guerre mondiale. Au fur et à mesure du rattrapage, achevé pour la France au milieu des années 1980. les gains de productivité ont ralenti. Un phénomène commun à l’ensemble des économies occidentales. Aux États-Unis, ce ralentissement a également été observé jusqu’à la première moitié des années 1990.
Sur la période 1995-2004, l’accumulation de capital en technologie de l’information et de la communication (TIC) a contribué au rebond de la productivité du travail aux Etats-Unis (à hauteur de 0,8 point à la croissance annuelle). Depuis 2005, cette contribution est retombée à 0,4 point. On retrouve un mouvement similaire en France mais sur des contributions plus faibles (+0,5 point sur 1995-2004 et +0,1 point depuis 2005), ce qui suggère d’une part une érosion des bénéfices du numérique sur la productivité commune aux pays proches de la frontière technologique, d’autre part un retard de la France par rapport aux États-Unis en matière d’investissement en TIC.
Le ralentissement de la contribution du numérique à la croissance de la productivité depuis 2005 semble étonnant, alors même que les usages liés aux technologies numériques se sont étendus et que des acteurs du numérique remettent en question les modèles d’affaires traditionnels. Le paradoxe de Solow, selon lequel "les ordinateurs se voient partout sauf dans les statistiques de la productivité", s’appliquerait à présent à la révolution numérique. Les économistes ne sont en tout cas pas encore parvenus à une explication consensuelle de ce nouveau paradoxe.
La France pâtit de plusieurs faiblesses spécifiques : contraction la plus importante de l’activité industrielle (traditionnellement plus productive) parmi les principales économies de la zone euro depuis 2000, surrèglementation par rapport à nos partenaires européens, niveau médiocre de compétences de la main-d’œuvre (cf. enquête PIAAC de l’OCDE), manque de renouvellement du tissu productif, etc.
Intervention d'Emmanuel Jessua à la Société d'Encouragement pour l'industrie nationale le 7 mars 2018
La synthèse de l'intervention d'Emmanuel Jessua est disponible sur le site de la Société
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