Pour Prefon Retraites, Denis Ferrand décrit les origines de la crise énergétique qui touche actuellement les pays européens, dont la France, ainsi que ses conséquences sur l'économie et les perspectives d’activité. Parti du marché gazier dès le printemps 2021, amplifié par la guerre en Ukraine, le choc sur les prix et les approvisionnements énergétiques réduit le pouvoir d'achat des ménages et la rentabilité des secteurs énergivores, ce qui n'est favorable ni à la consommation ni à la production.


S'il n'est pas le premier, le choc énergétique qui touche l’Europe passe cette fois-ci par le gaz. Visible dès le printemps 2021, bien avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui l'a accentué, il s’est transmis à l’électricité, les deux marchés étant liés. Il pèse sur l’économie au travers des hausses de prix mais aussi des problèmes d’approvisionnement dont les effets sur la production commencent à se voir.

>> Le gaz joue un rôle mineur dans la production d’électricité, majeur dans la fixation de son prix

Seuls 5% de l’électricité produite en France vient de centrales au gaz mais le prix du gaz joue un rôle clé dans le marché européen de l’électricité. Le marché européen de l’électricité, pour viser un équilibre constant entre offre et demande, fixe le prix de vente à partir du coût du dernier kilowattheure produit pour répondre à la demande. Or, une fois sur deux, ces derniers kilowattheures sont produits par des centrales à gaz. On assiste donc à la fois à une hausse des prix du gaz et de l’électricité.

>> Pour les ménages, un prélèvement de pouvoir d’achat amorti par l’action publique

En France, la hausse des prix, toutes énergies confondues, entraine pour les ménages une perte de pouvoir d’achat de 445 € par habitant sur l’année, contre plus de 600 € en moyenne en zone euro. Le choc est plus ou moins amorti selon les pays par des mesures de politique publique.

>> Pour les secteurs énergivores, une chute de la rentabilité qui peut décourager la production

Les entreprises ne bénéficient pas de bouclier tarifaire. Les industriels payent leur gaz environ 90% plus cher, et l’électricité 22%. Certains secteurs, tels le papier-carton, la chimie, le verre, la sidérurgie, sont particulièrement exposés. Pour la filière papier-carton par exemple, dont les achats d’électricité et de gaz représentent 13% de la valeur de la production, cette augmentation fait basculer le résultat d’exploitation dans le rouge. Face à cette chute de rentabilité les entreprises doivent choisir: produire à perte ou bien limiter, voire arrêter la production.

>> Le choc de prix et d’approvisionnement n’est pas terminé, son ampleur suivra le thermomètre

Le choc se prolongera en 2023 pour les entreprises. Les contrats d’approvisionnement sont négociés tous les ans, or les contrats pour 2023 le sont à des prix extrêmement élevés.

50 milliards de m3 de gaz restent à trouver pour se passer du gaz russe. Les importations de gaz russe s’élevaient à 150 milliards de m3 par an ; les substitutions trouvées en Europe (économies d’énergie, nouveaux fournisseurs, etc.) permettent de couvrir 100 milliards de m3.

La météo jouera un rôle clé cet hiver. Bien qu’élevés, les stocks de gaz de la France ne couvrent que 45% de la consommation pour la période d’octobre à mars, à condition que l’hiver soit clément. La couverture descend à 35% s’il est rigoureux.

Denis Ferrand, expert économique, décrypte la crise de l’énergie,Prefon, 22 septembre 2022