Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le Premier ministre Gabriel Attal a indiqué cette semaine viser l'application à l'automne 2024, d'"une vraie réforme globale de l’assurance-chômage" qui pourrait inclure la réduction de la durée d'indemnisation et l'allongement de la durée de travail nécessaire pour l'ouverture de droits. Pourquoi cette nouvelle réforme alors que les comptes de l'assurance-chômage sont excédentaires? Olivier Redoulès répond au journal La Croix.
Commençons par replacer dans le contexte la réforme des règles de l’assurance-chômage annoncée par le premier ministre. Celui d’une forte dégradation des finances publiques: le déficit public a atteint 154 milliards d’euros en 2023, soit 5,5% du PIB, selon l’Insee. D’un autre côté, le solde 2023 de l’assurance-chômage s’établit à seulement 1 milliard d’euros. On attendrait qu’il soit bien plus important, compte tenu du taux de chômage, 7,5% de la population active, ce qui est relativement faible. S’agissant d’un mécanisme assurantiel, il serait logique qu’avec moins de chômeurs, on ait moins d’assurance chômage à décaisser. Mais des durées trop longues ou des montants trop hauts d’indemnisation peuvent être l’une des causes de ce solde positif trop léger.
En réduisant la durée d’indemnisation de 18 mois à 12 mois, le gouvernement veut inciter les chômeurs à ne pas attendre trop longtemps avant de retrouver un emploi. Plus vous attendez pour maximiser vos chances de trouver le meilleur emploi possible, plus vous augmentez aussi vos risques de ne rien trouver du tout. Plus vous restez éloigné du marché de l’emploi, plus l’employeur aura du mal à se projeter avec vous. Cette mesure dit : "Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras". Cela n’est pas porter tort aux chômeurs.
Avec le durcissement de l’accès à l’assurance-chômage – avoir travaillé six mois au cours des 18 derniers mois par rapport à 24 mois actuellement – ce qui est visé, entre autres, ce sont les comportements d’optimisation. Par exemple, dans des secteurs à forte saisonnalité comme l’agriculture, les spectacles ou la restauration, employés comme employeurs peuvent profiter d’une alternance entre travail et périodes de chômage, faisant porter le poids financier de cette démarche par la collectivité.
Le rôle du gouvernement est de fixer un cadre, avec les partenaires sociaux. Surtout dans un cas comme le chômage, qui a des conséquences négatives à la fois sur les individus, les finances du pays et la vie de la nation. L’objectif est aussi de converger vers la norme européenne. À 7,5% de taux de chômage, nous sommes au-dessus de la moyenne européenne établie à 6%. Avec, de surcroît, des dépenses sociales parmi les plus élevées de l’OCDE. Par ailleurs, avec un tel déficit public, la France doit d’autant plus montrer sa volonté ferme de poursuivre les réformes.
Reste la question économique, plus large et de plus long terme, du plein-emploi. Notre taux actuel d’emploi, 68,4% de la population en âge de travailler, se situe à près de 9 points derrière celui des meilleurs élèves européens, comme l’Allemagne, proche de 80%. 9%, c’est environ 3,5 millions de personnes sans emploi. Et notamment les 12% de jeunes de 15 à 29 ans qui ne travaillent pas, n’étudient pas et ne sont pas en formation. C’est un sujet majeur qui appelle à une réforme en profondeur du marché du travail, au-delà des règles d’assurance-chômage.
Propos recueillis par Heidi Miller
A retrouver dans l'article :
Assurance-chômage : durcir les règles peut-il favoriser l’emploi ?
La Croix, 28 mars 2022
Débat avec Olivier Redoulès, directeur des Etudes de Rexecode et Bruno Coquet, économiste spécialiste du marché du travail à l’OFCE
Propos recueillis par Heidi Miller et Sarah Dupont