Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Depuis son pic en février 2023, le rythme de la hausse des prix à la consommation ralentit nettement en France avec une première estimation de l’Insee à 3,4% pour novembre. Cette décrue signale-t-elle que la phase de forte inflation sera derrière nous en 2024 ou bien doit-on craindre l'installation durable d'une boucle prix-salaire que la baisse des prix des matières premières aurait temporairement masquée ? Alternatives économiques a recueillis les diagnostics et prévisions de Denis Ferrand, directeur général de Rexecode, et de Patrick Artus, conseiller économique chez Natixis.
Denis Ferrand - Le ralentissement de l’inflation s’opère plus tôt et plus brutalement en France que les prévisions les plus récentes l’attendaient. L’Insee anticipait début octobre que la hausse des prix à la consommation se situerait à 4,1% sur un an en novembre. Selon la première estimation, elle serait en fait de 3,4%. Rexecode attendait pour sa part en septembre une inflation à 4,2% fin 2023. Elle sera plus basse. Outre le ralentissement des prix de l’énergie, ce tassement s’explique par la quasi-stabilité depuis six mois des prix des produits manufacturés et des services consommés par les ménages.
Ce tassement devrait se prolonger. D’une part, les cours du baril de pétrole, au comptant comme à terme de six mois à un an, sont passés sous les 80 dollars. D’autre part, les prix agricoles à la production reculent (-10 % sur un an), ce qui laisse anticiper une décrue des prix alimentaires. Plus largement, les prix à la production des branches marchandes ont baissé au deuxième trimestre et stagné au troisième.
Cette stabilisation des prix reflète la fin de la seconde phase d’inflation: celle de la boucle prix-revenus. Dans un premier temps, l’accélération des prix a procédé de la répercussion du choc de prix importé sur les coûts des consommations intermédiaires. Ce choc s’est inversé, le prix des consommations intermédiaires de branches marchandes reculant.
Une tentative de compensation de ce choc initial lui a succédé : les salaires, puis les marges unitaires étant devenues fin 2022 et au premier semestre 2023 les principaux contributeurs à la hausse du prix de production. Cette phase se referme également : salaires et marges par unité produite ne contribuant plus que marginalement à l’inflation des prix de production au troisième trimestre.
S’il allège la pression sur le pouvoir d’achat du revenu des ménages, le ralentissement des prix ressemble surtout à un signal de récession ; le ralentissement des revenus tirés de l’activité marchande reflétant l’affaiblissement de l’activité. Celui-ci est attesté par le léger recul du niveau du PIB au troisième trimestre et par la poursuite de la dégradation lente des indices du climat des affaires dans la plupart des secteurs.
Du côté des salaires, le tournant à la baisse pris par l’emploi réduit les possibilités d’un emballement des salaires qui ne s’est du reste pas franchement matérialisé jusqu’à présent. Du côté des marges d’exploitation, la montée des difficultés liées à un niveau insuffisant de demande que rencontrent les entreprises vient fermer les possibilités de hausse de prix.
Au total, la vague d’inflation apparue courant 2021 dans le tumulte de la sortie des confinements et de la formation de pénuries est en train de s’échouer. Une inconnue porte sur le futur régime d’inflation. Un retour à la faible hausse des prix connue dans les années 2000 / 2010 semble peu probable pour des raisons structurelles : moindre impact désinflationniste des échanges mondiaux, coût de la transition énergétique, motif de souveraineté...
La bosse de 2021-2023 pourrait alors marquer une transition d’un état de faible inflation structurelle comprise entre 0 et 2%, à une dérive durablement un peu supérieure à 2%.
Propos recueillis pas Christian Chavagneux
Est-ce la fin de l’inflation ? Débat entre Denis Ferrand et Patrick Artus
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