L'économie française est confrontée à trois problèmes : un recul de compétitivité, un niveau structurellement élevé des prélèvements obligatoires, des moteurs de croissance au point mort. Le Président a réaffirmé le 14 janvier l'objectif de compétitivité et annoncé des allègements de charges et une réduction des dépenses publiques. Cette stratégie est bonne mais devra s'inscrire dans un ensemble cohérent de réformes.

Mardi 14 janvier, le président est passé des simples vœux exprimés le 31 décembre à des intentions affirmées avec solennité. Il s'en défendra peut-être, mais c'est un fait qu'il annonce désormais une stratégie économique bien différente de celle du meeting du Bourget. 
C'est tant mieux, car ces annonces nouvelles ressemblent plus à la politique amorcée lors du précédent quinquennat et aux politiques mises en œuvre dans d'autres pays avec succès. Il s'agit de réduire fortement la dépense publique et de diminuer les prélèvements obligatoires pour rendre aux entreprises la capacité de relancer l'investissement. C'est bien de là que reviendront la croissance et les créations d'emplois.

Le premier constat que l'on peut faire, c'est que le président prend acte de l'échec du "choc fiscal".
La réduction du déficit espérée s'est révélée très décevante. En 2013, elle a été de 21 milliards d'euros, pour des recettes publiques supplémentaires qui ont atteint 43 milliards d'euros. La dette publique a encore augmenté de 83 milliards d'euros. Ce mauvais résultat s'explique par la stagnation de l'économie entraînée par les mesures fiscales très défavorables à la croissance qui ont été prises en 2013 et par le choix de ménager la dépense publique.

Cependant, le discours nouveau va dans la bonne direction. Il faudra d'abord effacer les excès de 2013, bien choisir où réduire les dépenses publiques et revenir à une fiscalité moins nuisible à la croissance. Car le système des prélèvements, par son niveau et ses modalités, conditionne les choix de production, la compétitivité des produits, les décisions de consommation et d'épargne.

Dans une économie ouverte, il faut prendre en compte les arbitrages des acteurs économiques, français et étrangers, entre les territoires français et les autres, en Europe ou ailleurs. La mondialisation augmente la mobilité des bases d'imposition et des facteurs de production. Le président a raison d'évoquer l'harmonisation des règles fiscales entre la France et l'Allemagne notamment, mais il ne faut pas se cantonner aux bases de l'impôt sur les sociétés. C'est l'ensemble des règles qu'il faut rapprocher.

L'économie française est aujourd'hui confrontée à trois problèmes économiques, en partie liés :
un recul de compétitivité sans précédent depuis 2000, largement dû au choc du coût des 35 heures et à la politique inverse menée en Allemagne par le chancelier Schröder, un niveau structurellement élevé des prélèvements obligatoires et des moteurs de croissance économique actuellement au point mort. Le président français s'est converti à la compétitivité quelques mois après son arrivée. Son discours de mardi le confirme. C'est une prise de conscience analogue qu'il faut maintenant sur la dépense publique et la fiscalité.

François Hollande a cité deux chiffres.
• Le premier est le montant de 30 milliards d'euros d'allégement de charges sociales, actuellement payées par les entreprises au titre des allocations familiales. Reste encore à préciser si ce montant s'ajoute bien au crédit d'impôt compétitivité emploi ou non. Car si cela devait le remplacer, la baisse des charges serait en fait déjà terminée, puisque 30 milliards de charges déductibles de la base de l'impôt sur les sociétés en moins égalent les 20 milliards de crédit d'impôt actuels.

• Le deuxième est l'objectif de 50 milliards d'économies de dépenses publiques d'ici à 2017, soit environ 4 % de la dépense totale. Cette annonce n'est pas en fait nouvelle. Elle est déjà inscrite dans la loi de programmation des finances publiques adressée à la Commission européenne en avril dernier. Notre écart de dépenses publiques avec l'Allemagne est du double, mais réaliser ces réductions des dépenses publiques serait déjà un premier pas significatif.

La vraie question est donc de savoir si un tel objectif est atteignable. Plusieurs exemples étrangers démontrent que c'est possible. L'impact sur les comportements et sur la croissance dépend de la crédibilité. Le premier gage de crédibilité serait de préciser les points d'application des 15 milliards d'économies pour 2014.

Il y a aussi ce qui est absent du discours de mardi.

Les pays qui ont adopté avec succès des stratégies de cette nature ont en même temps réformé souvent profondément le marché du travail. C'est un ensemble cohérent de mesures diminuant la dépense et la fiscalité, et permettant à l'offre productive de s'adapter rapidement, qui s'est révélé positif pour la croissance et l'emploi. Espérons que le pacte de responsabilité clarifiera les intentions et tiendra compte de l'ensemble de ces impératifs.

Michel Didier, président de Coe-Rexecode

"La réforme du travail, l'oubli du discours présidentiel" par Michel Didier, Le Monde (Décryptages) 18 janvier 2014