Interrogé par l'Expansion sur le climat actuel de contestation de l'impôt, Denis Ferrand rappelle qu'en 2013 la France est d'abord confrontée à un manque de recettes relativement aux prévisions budgétaires. Un écart lié pour une grande part à des hypothèses de croissance trop optimistes.

Les recettes fiscales et sociales n'ont pas été au rendez-vous en 2013 ; en tout cas pas à la hauteur de ce qui était anticipé à l'automne 2012, lors du vote de la loi de finances. Entre les recettes pour l'année 2013 estimées dans le PLF présenté cette automne et leur montant anticipé l'année précédente, l'écart est d'un peu plus de 20 milliards d'euros, soit 1% du produit intérieur brut.

Voir dans ce manque de recettes la trace d'une fuite devant l'impôt est toutefois hâtif.
On peut avancer trois grandes explications :

(1) Plus de la moitié du manque de recettes s'explique par des prévisions trop optimistes de niveau de l'activité et, in fine, de la base fiscale. L'écart entre la croissance nominale projetée en septembre 2013 à 2,6% et la réalisation probable à 1,7% a occasionné un déficit de recettes fiscales et sociales de l'ordre de 0,4% de PIB.

(2) Les hypothèses budgétaires pour 2013 étaient en outre bâties sur des anticipations de recettes pour 2012 déjà trop élevées. Ce deuxième effet explique 0,2% de l'écart.

(3) Enfin, la progression des recettes a été moins forte que celle de l'activité. Cet effet de la faible "élasticité" des recettes à l'activité aurait pesé pour un montant équivalant à 0,4% de PIB. En cause, notamment, une évolution de la masse salariale inférieure à celle de l'activité et une déformation de la structure de la consommation au profit des biens taxés au taux réduit de TVA.

Pour autant, toutes les interrogations sur la fuite devant l'impôt ne sont pas levées, notamment quand on constate l'erreur d'anticipation sur l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés (IS). Bercy s'attendait à une hausse des recettes de l'IS de 5,9% (hors effet des mesures introduites dans les lois de finances). Elles ont en fait chuté de 9,6%. Cette dégringolade traduit-elle le recul des bénéfices des sociétés ou le recours accru à des pratiques d'optimisation fiscale ? Difficile de trancher.

Dans ce contexte, on peut s'interroger sur le rendement effectif de la surtaxe exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés, censée rapporter 2,5 milliards d'euros en 2014. Plus largement, c'est l'absence de maîtrise de la dette publique qui est inquiétante. Dans les nouvelles prévisions de trajectoire des finances publiques, la dette publique est attendue à 91% du PIB à la fin 2017, loin des 83% du PIB promis l'an passé. Un écart de plus de 132 milliards d'euros passé complètement inaperçu !

Le coin des think tanks - Le consentement à l'impôt est-il brisé ?
L'Expansion, 1 décembre 2013

Avec Daniel Vasseur (Maintenant la gauche), Jean-Thomas Lesueur (Institut Thomas More), Denis Ferrand (Coe-Rexecode)