Le "marché du carbone européen" est le seul élément de la politique énergie-climat qui s’applique uniformément à tous les Etats membres. Il permet d’introduire un "prix du carbone", aujourd’hui d’environ 70€/tCO2, qui couvre de l’ordre de 40% des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne, ce qui en fait le principal pilier de sa politique de décarbonation. L'expérience montre que la tarification carbone est un instrument déterminant de la sortie des énergies fossiles et de l’efficacité-coût de l’action climatique.

Avec ces multiples objectifs (neutralité carbone d’ici 2050*, sécurité et prix énergétiques, intégration des marchés et interconnexions entre Etats…), la politique énergie-climat européenne s’apparente à un puzzle complexe, d'autant que certaines politiques s’inscrivent dans un cadre européen mais relèvent in fine de politiques nationales, comme les décisions relatives au mix énergétique ou les mesures fiscales.

Le "marché du carbone européen" est le seul élément de la politique énergie-climat qui s’applique uniformément à tous les Etats membres. Il permet d’introduire un "prix du carbone" qui couvre de l’ordre de 40% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE, ce qui en fait le principal pilier de la politique de décarbonation européenne. Quelques mots sur ses principes de fonctionnement, son histoire et son bilan.

• Le marché carbone: un marché de quotas d'émissions de CO2

Un marché du carbone fonctionne sur un principe simple: l’autorité de régulation plafonne les émissions totales autorisées en créant un nombre limité de permis d’émission (quotas). Chaque installation émettrice couverte par le système reçoit en début d’année, ou achète aux enchères, un certain nombre de quotas. A la fin de l’année, chaque installation doit restituer à l’autorité publique un nombre de quotas suffisant pour couvrir ses émissions de CO2 sous peine de pénalités. Les émissions totales ne peuvent donc pas excéder le plafond fixé. Ces permis sont échangeables sur le marché.

• Marché européen du carbone: une montée en puissance confirmée après des débuts difficiles

Le système européen d’échange de quotas d’émissions de CO2 (EU ETS) s’applique depuis 2005 à environ 13.000 installations industrielles (producteurs d’électricité, acier, ciment, raffineries, etc.) représentant alors environ la moitié des émissions de CO2 européennes.

Il a fait l’objet dune réforme substantielle en 2017 visant à mieux contrôler les interactions avec les autres politiques énergétiques et à gérer l’évolution du plafond de quotas au regard des changements, prévus ou non, des trajectoires d’émissions vis-à-vis des objectifs politiques. Une mesure clef est la création d’une réserve de stabilité (Market Stability Reserve) qui, depuis 2019, pilote et ajuste le volume de quotas mis aux enchères automatiquement en fonction de la quantité de quotas en circulation.

Suite à cette réforme, le prix du carbone a dépassé pour la première fois la barre de 20€/tCO2 courant 2018. Ensuite, l’annonce du Green Deal européen et de l’objectif de neutralité carbone pour 2050 – et les perspectives associées de réduction de l’offre de quotas – ont entraîné une nouvelle hausse (>40€ début 2021), suscitant un regain d’attention sur ce marché historiquement négligé. L'augmentation des volumes échangés, des achats de précaution et de couverture, et l'arrivée de nouveaux acteurs, financiers notamment, ont porté le prix au-dessus de 90€ début 2022. Il oscille aujourd'hui autour de 70 €.

• Du point de vue des émissions, le bilan du marché carbone européen est très positif

Entre 2008 et 2021, les émissions annuelles du périmètre couvert sont passées de 2.100 Mt à 1.300 Mt de CO2, soit une baisse de près de 40%. Dans le même temps, les émissions européennes sont passées de 4.400 Mt à 3.400 Mt, soit une baisse de 23%. Ainsi, les réductions d’émissions ont été deux fois plus importantes dans le périmètre du marché des quotas que dans le reste de l’économie.

L’expérience montre que donner un prix aux émissions carbone amène les acteurs économiques à intégrer cette dimension dans leurs calculs. Sinon, en l’absence de prix du carbone, personne ne supporte le coût de la réduction des émissions et le coût des conséquences est supporté par tous. La tarification du carbone est ainsi un outil déterminant pour la sortie des énergies fossiles et pour l’efficacité-coût de l’action climatique.

Un signal prix du carbone permet aux acteurs de mesurer l’efficacité relative des actions mises en œuvre et de privilégier les moins coûteuses. Le coût total s’en trouve minimisé. C’est d’autant plus important que, étant donné l'ampleur des investissements nécessaires à la décarbonation, l’état des finances publiques, tout comme l’équilibre financier des entreprises et des ménages, demandent à ce que chaque euro dépensé ait un effet maximal sur les émissions. Sinon, le risque est de dépenser beaucoup avec assez peu d’effet sur le climat mondial.

Ce texte est une version condensée d'un article de Raphaël Trotignon paru dans La lettre du trésorier (AFTE) de septembre 2022

Le texte complet est disponible ci-dessous en pdf, avec l'aimable autorisation de l'AFTE

* L’UE s’est engagée dans l’accord de Paris à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, autrement dit, à ramener à zéro ses émissions nettes de gaz à effet de serre (émissions moins captations naturelles ou artificielles). D’après la loi européenne sur le climat de juin 2021, les États doivent réduire leurs émissions nettes d’au moins 55% en 2030 par rapport à 1990. Ce nouveau jalon rend nécessaire l’adoption d’un paquet législatif (Fit for 55) visant à adapter les politiques européennes dans de nombreux secteurs.