Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Dans un rapport sur la réforme du marché unique, Enrico Letta recommande notamment la création d’une "cinquième liberté" de circulation pour la recherche, l’innovation, les données et les compétences afin de renforcer l’intégration, et ce faisant, la compétitivité de l’UE face aux Etats-Unis et à la Chine notamment. Le FMI et LIEPP ont publié des notes sur l’efficacité des politiques d’innovation.
Lors du Conseil européen du 18 avril 2024, consacré entre autres à la restauration de la compétitivité européenne, l’ancien Président du Conseil italien et Président de l’Institut Jacques Delors, Enrico Letta a présenté un rapport sur le marché unique européen. La création d’une "cinquième liberté pour un nouveau marché unique" figure parmi ses recommandations pour prévenir le décrochage de l’économie européenne face aux Etats-Unis ou à la Chine.
Le cadre du marché unique européen, ancré dans la définition de 4 libertés (libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux) repose "sur des principes théoriques du XXe siècle" selon M. Letta pour qui cette catégorisation est dépassée: la distinction entre biens et services est devenue floue, le marché est du plus en plus façonné par la numérisation et l’innovation, et l’économie basée sur la propriété tend à s’effacer au profit d’une économie de l’accès et du partage.
E. Letta propose d’inclure dans le cadre du marché unique une cinquième liberté pour la recherche, l’innovation, les données, les compétences, la connaissance et l’éducation.
Des progrès significatifs ont récemment été réalisés en faveur d'une stratégie numérique efficace et de l’autonomie technologique, avec l’adoption de plusieurs lois sur le marché numérique, les services numériques, l'intelligence artificielle, les données et la gouvernance des données. La "cinquième liberté" complèterait ce cadre et renforcerait l’intégration européenne dans des domaines tels que la santé, l’IA, l’informatique quantique, la biotechnologie, la biorobotique ou l’espace.
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous
Much More than a market - Speed, security, solidarity
Enrico LETTA, 18 avril 2024
Vois aussi 2 études publiées cette semaine sur les politiques de l’innovation :
Expanding Frontiers: Fiscal Policies for Innovation and Technology Diffusion
Fonds Monétaire International, Fiscal Monitor, avril 2024
Ce chapitre revient sur la pertinence des politiques industrielles nationales destinées à promouvoir l'innovation qui reviennent en force aux Etats-Unis (Chips Act, Science Act) en Chine et en Europe, ou encore au Japon et en Corée du Sud. Selon l'analyse sectorielle, ces politiques ne génèrent des gains de productivité et de croissance qu'à certaines conditions, sans lesquelles elles peuvent même être contre-productives.
Les conditions de la réussite: (1) les secteurs ciblés génèrent des gains collectifs, tels que la réduction des émissions de carbone ou le transfert de connaissances vers d’autres secteurs ; (2) les mesures ne sont pas discriminatoires à l’égard des entreprises étrangères ; (3) les pouvoirs publics disposent d’une forte capacité à les administrer. A ces conditions, en augmentant les dépenses consacrées à l'innovation (recherche fondamentale, subvention de la R&D, aides aux start-up) d'environ 50% dans les pays de l’OCDE (0,5 point de PIB), le PIB d’un pays avancé moyen pourrait augmenter de 2% et le ratio dette/PIB baisser à long terme.
Les incitations fiscales à la recherche et développement et à l’innovation : état des lieux, effets et alternatives
Sciences Po - Michaël SICSIC, Simon BUNEL, LIEPP Working Paper N°163, avril 2024
Ce panorama des aides directes et indirectes à la recherche et développement (R&D) et de leurs effets, en France, en Europe et dans le monde met en lumière la nécessité d’un soutien diversifié afin de maximiser l'effet sur la R&D et l’innovation.
- Les aides indirectes sont en augmentation par rapport aux aides directes ces vingt dernières années. Pourtant leur efficacité serait variable : si certaines ont un effet d’entrainement, notamment les aides ciblées sur les jeunes entreprises, d’autres semblent essentiellement générer un effet d’aubaine du fait d’un manque de ciblage.
- Les aides directes à la R&D, davantage mobilisées suite à la crise sanitaire, sont une alternative aux incitations fiscales. Elles apparaissent comme des compléments plutôt que des substituts aux aides indirectes, même si leur multiplication soulève la question de la complexité du paysage des aides à la R&D et de l’efficacité globale du soutien public à la R&D en France.
- Le financement direct de la recherche publique serait un levier efficace pour augmenter l’efficacité de la R&D privée, selon des études récentes, en raison des externalités positives générées.