Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
L’OFCE analyse les facteurs du risque de décrochage français en termes de compétitivité. Le coût du travail n'est pas seul en cause. La faiblesse structurelle des investissements productifs et en R&D, couplée avec la concurrence en prix des autres pays européens représente selon l'OFCE "une réelle menace de décrochage de l'appareil productif français".
La croissance solide que la France peine à retrouver depuis la crise repose nécessairement sur un tissu productif compétitif. Pour juger de l’état de celui de la France, l’OFCE le compare à ceux de l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
La désindustrialisation est à l’œuvre dans tous les pays observés. Mais contrairement à l’Allemagne, la crise a durablement affecté le niveau général de la production industrielle française. Or l’industrie manufacturière joue un rôle central dans la croissance économique de la France : fortement consommatrice de services marchands, elle concentre l’essentiel des exportations et de l’effort de recherche privé.
"Et si l'économie française décrochait pour de bon ?" Pour répondre à cette question, l’OFCE passe en revue les "suspects habituels" :
• Le coût du travail. La France a un coût salarial horaire certes élevé, mais voisin de celui de l'Allemagne. En revanche le coût du travail est nettement plus élevé en France dans les services marchands, ces derniers étant "un intrant important des industries manufacturières". D’où la perte de compétitivité des exportations françaises, qui sont sur les mêmes marchés que ceux de l’Allemagne.
• L’investissement se maintient dans le secteur manufacturier. Mais il serait, en France, trop orienté vers l’immobilier, et pas suffisamment vers la montée en gamme. La part des investissements en machines et équipement est nettement plus élevée en Allemagne et en Italie (43%) qu’en France (28%). Ce qui expliquerait que la France peine à retrouver sa productivité d'avant-crise, tandis que l’Allemagne l'a recouvrée dès 2011.
• Une montée en gamme est nécessaire. Pour cela, la France fait des efforts de R&D significatifs mais plus faibles que les pays les plus innovants, comme l'Allemagne, ce qui se traduit par des pertes de parts de marché dans les secteurs de très haute technologie.
• La destruction créatrice. S'il n'y a pas en France de déficit de création d'entreprises, le pays peine pourtant à renouveler en profondeur son appareil productif du fait d'un processus concurrentiel qui avantage les entreprises déjà en place et pénalise la croissance des jeunes entreprises.
Dans ce contexte, il faut que les incitations fiscales comme le CICE se traduisent "par des gains réels de compétitivité, soit via les prix pratiqués par les entreprises à court terme, soit via des investissements productifs modernisant l'appareil productif français à plus long terme". Et qu’elles soient accompagnées d’autres politiques "bien plus ambitieuses".
L'état du tissu productif français : absence de reprise ou véritable décrochage ?
OFCE, Policy Brief N°6, novembre 2016