Focus
Perspectives économiques à court terme
Dans son premier point de l'année sur les finances publiques, la Cour des comptes déplore que les craintes qu’elle exprimaient en juillet dernier de voir le déficit public se creuser encore en 2024 après une "très mauvaise" année 2023 se soient matérialisées, en raison notamment de la dérive des dépenses locales et de protection sociale. Face au risque d’une hausse de la charge de la dette, l’année 2025 est cruciale pour engager de réels efforts d’ajustement budgétaire en France, d’autant que la prévision de croissance gouvernementale "ne recèle aucune marge de prudence". Depuis, la Cour a remis au Premier ministre son rapport très attendu sur le système de retraites.
Dans un récent rapport sur la situation des comptes publics français, la Cour des comptes alerte sur la "dérive" des finances publiques en 2024, qui "prolonge et aggrave celle de 2023". Après deux années noires (4,7 points en 2022 puis 5,5 points en 2023), le déficit devrait atteindre 6,0 points de PIB (175 Mds€), soit 1,6 point au-delà de la cible inscrite dans le PLF 2024.
L'essentiel de ce "dérapage" n’est pas dû à la "très mauvaise année 2023", mais aux dépenses très dynamiques en 2024 malgré l’extinction des mesures exceptionnelles de soutien face aux crises sanitaire et inflationniste.
En 2024, la dépense publique a progressé de 2,7% en volume (donc hors effet de l’inflation), soit le rythme le plus rapide des quinze dernières années. Pour la première fois depuis 2020, le ratio de dépenses publiques sur PIB augmenterait, passant de 56,4 % en 2023 à 56,7% en 2024, un niveau supérieur de 7,5 points à la moyenne de la zone euro et de 2 points à son niveau avant-Covid.
Cette hausse est notamment due à une forte augmentation (1) des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales (+3,6% en volume par rapport à 2023) et (2) des prestations sociales (+4,0% en volume), tirées par l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation élevée de 2023 (+5,3% pour les retraites de base au 1er janvier 2024) et la revalorisation des prestations famille (+4,6%).
"Depuis l’automne 2022, toutes les projections pluriannuelles visant à ramener le déficit sous les 3% de PIB se sont révélées caduques au bout de quelques mois, voire ab initio. Cette obsolescence accélérée des trajectoires de finances publiques affaiblit la position de la France et mine sa crédibilité."
L'année 2025 est cruciale, selon la Cour, pour amorcer un assainissement des comptes publics. L'effort budgétaire devra être soutenu, de manière à respecter l'engagement du retour du déficit public sous 3% du PIB, repoussé de 2027 à 2029.
La Cour quantifie la combinaison de deux scénarios alternatifs moins optimistes que les prévisions gouvernementales mais "en ligne avec les tendances passées": une "croissance réaliste" (1,0% à partir de 2026 contre 1,4-1,5% sur la période 2026-2028 et 1,0% au-delà dans le Plan budgétaire et structurel à moyen terme) et un niveau d’ajustement deux fois moindre que prévu dans le PSMT d’ici 2029 ("la moitié des efforts"). Le cumul de ces scénarios "conduirait à dépasser 125 points de PIB en 2029 et à s’approcher du seuil de 130 points de PIB dès 2031. La charge de la dette augmenterait continûment pour atteindre 3,4 points de PIB en 2029 soit 112 Mds€, devenant le premier budget de l’État, loin devant l’Education nationale".
Le "report incessant" des efforts de redressement des comptes publics n’est désormais plus envisageable, souligne la Cour. "Restaurer la crédibilité des engagements de la France en matière de finances publiques est devenu une urgence absolue pour éviter une hausse incontrôlée de la charge de la dette, qui atteint déjà près de 59 Md€ [environ le double du montant de 2020] et augmente sous l’effet de son propre poids, et résorber enfin la divergence avec nos partenaires européens".
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous.
> La situation des finances publiques début 2025
Cour des comptes, Rapport public thématique, 13 février 2025
Le gain total de la réforme de 2023 pour le système de retraites et les autres administrations publiques en 2030 est estimé à 24,2 Md€ par la direction générale du Trésor et à 20 Md€ par Rexecode.
Une semaine après la publication de son rapport sur les finances publiques, la Cour des Comptes a remis au Premier ministre son évaluation très attendue des comptes du système de retraites. La Cour estime que l'ensemble des réformes du système de retraites conduites depuis 1993, "ont permis d’obtenir, en 2023, une situation financière globalement équilibrée (...) Toutefois, des déséquilibres financiers durables vont se creuser dans les 20 prochaines années en raison de l’évolution de la démographie, de perspectives économiques peu favorables en termes de productivité et de croissance, et d’un risque maintenu de chômage."
Pour évaluer l'impact de la réforme de 2023 reportant l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans sur les finances publiques, la Cour s'appuie sur un ensemble d'études et compare en particulier les résultats des travaux de la DG Trésor et de Rexecode: Réforme des retraites: une résorption partielle du déficit après 2030, Repères #05, avril 2023.
Les effets des réformes des retraites sur l’emploi et sur la compétitivité feront l’objet d’un rapport à paraître d'ici mi-avril 2025.
> Situation financière et perspectives du système de retraites
Cour des Comptes, Communication au premier ministre, 20 février 2025