Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Les défaillances d’entreprises en France sont, paradoxalement, en forte diminution en 2020. Le Conseil d’analyse économique identifie les facteurs qui, dans la crise du Covid-19, expliquent quelles entreprises entrent en défaillance, et dessine des scénarios pour 2021.
Pour identifier les facteurs de défaillances d’entreprises dans la crise du Covid-19 et estimer les faillites à venir, le Conseil d'analyse économique a mené une analyse économétrique sur plus d’un million d’entreprises du secteur des commerces au sens large, incluant par exemple les concessionnaires automobiles, les restaurants ou les coiffeurs, qui ne sont pas inclus dans le secteur Commerce de l’Insee et créée un modèle à partir des données de procédures collectives issues des publications BODACC (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales).
La forte chute des défaillances en France en 2020 (–35,9% pour l’ensemble des entreprises, –29% pour les PME à la mi-novembre 2020 par rapport à 2019) s’est d’abord expliquée, selon le CAE, par des mesures administratives (arrêt des procédures Urssaf, moratoires des banques), puis, surtout, par les mesures massives de soutien aux entreprises (prêts garantis par l’Etat, chômage partiel…).
Le CAE estime que ces interventions publiques ont réduit les faillites mais sans en affecter les fondamentaux :
• En 2020, comme en 2019,ce sont toujours les entreprises les plus fragiles à cause de leurs faiblesses individuelles (dette élevée, faible productivité) qui ont un fort risque de défaillance.
• La baisse du nombre de faillites, surtout si elle est temporaire, ne devrait pas avoir à terme d’impact majeur sur la productivité de l’économie française.
• Le ciblage des aides publiques destinées aux commerces pour absorber leur perte de chiffre d’affaires a jusqu’ici été efficace. Ces aides ont permis de sauver, au moins temporairement, un très grand nombre d’entreprises (dont certaines n’auraient pas survécu même en année normale, mais aussi des entreprises performantes).
Le CAE dessine trois scénarios d’augmentation des défaillances d’entreprises en 2021, en fonction des répercussions du choc Covid‐19 sur la productivité et l’endettement des entreprises du commerce.
Le surcroît de défaillances à attendre à l’issue de la crise Covid‐19 dans les entreprises du commerce irait de +2,3% pour les secteurs les moins touchés (dans l'hypothèse d'une baisse de 3% de la productivité du travail et d'un niveau d’endettement stable) et jusqu’à plus de 25% dans les secteurs du commerce les plus affectés par la crise sanitaire (avec une baisse de la productivité du travail de 12% et une augmentation du ratio d’endettement de 5 points).
Au total, si l’on ajoute le surcroît de faillites attendues en rattrapage du très faible nombre de défaillances d’entreprises survenues en 2020, les taux de défaillances seraient en 2021 "bien supérieurs dans le commerce à ceux observés en 2019" : ils passeraient, dans les secteurs les plus touchés, de 1,1% en 2019 à 1,8% (avec une marge d’incertitude très forte).
Le CAE conclut que pour réduire le risque de défaillances d’entreprises viables mais fortement endettées, l’excès de dette des entreprises devra être traité via une restructuration de certaines dettes contractées auprès de l’État et des créditeurs privés. Le soutien aux entreprises, même imparfaitement ciblé, demeure important : plutôt que de "zombification" des entreprises, le CAE évoque leur "mise en hibernation" dans la mesure où ce soutien restera temporaire.
Synthèse réalisée par la Documentation de Rexecode, voir ci-dessous la référence du document
Les défaillances d’entreprises dans la crise Covid-19 : zombification ou mise en hibernation ?
Conseil d'Analyse Economique - Mathieu CROS, Anne EPAULARD, Philippe MARTIN - Focus N°51, 14 décembre 2020
Voir aussi :
Vaccine Economics
Allianz – Euler Hermes, 18 décembre 2020
Dans ses prévisions économiques mondiales pour 2021-2022, Euler-Hermes anticipe une augmentation significative des défaillances d'entreprises de +25% sur un an en 2021 et de +13% en 2022 – en France, -36% en 2020, +52% en 2021 et +21% en 2022.