Sur fond de tensions géopolitiques et commerciales, une note du Cepii évalue l'exposition des Etats-Unis, de la Chine et de l'Union européenne à un choc sur les importations de produits stratégiques, et les interdépendances entre ces trois puissances. La Chine occupe une position dominante en tant que principal fournisseur de produits dont dépendent fortement ses partenaires. États-Unis et UE sont exposés au même nombre de produits, mais le bilan de leurs interdépendances est favorable à l'Europe. Un atout face aux hausses de tarifs promises par D. Trump.

En raison de la spécialisation croissante des pays et de la montée des risques géopolitiques, les dépendances liées au commerce peuvent se transformer en vulnérabilités lors de perturbations dans les échanges internationaux, dans le cas d’une pandémie ou d’une guerre commerciale par exemple.

Une note du Cepii analyse les dépendances à l’importation et évalue le degré de vulnérabilité de l’Union européenne, des Etats-Unis et de la Chine, en identifiant les "produits dépendants" dans sa base GeoDep. La dépendance est définie par 3 critères: la concentration (de l’origine) des importations, la concentration des exportations mondiales, et la non-substituabilité des exportations aux importations. Pour les trois économies étudiées, parmi les "secteurs stratégiques" tels que définis par l’UE (agroalimentaire, chimie, santé, métallurgie, défense et aérospatial, transports, électronique), plus de la moitié des produits "dépendants" sont issus de l’industrie chimique, viennent ensuite les secteurs pharmaceutique et électronique.

Les Etats-Unis et l’UE plus vulnérables que la Chine

La Chine occupe une position dominante en étant le principal fournisseur de produits "dépendants" de ses partenaires commerciaux, particulièrement de l’UE (pour 60% des produits stratégiques), mais également des États-Unis (pour près de 50%). La Chine a conforté sa position dominante dans les secteurs stratégiques entre 2019 et 2022. Elle a réduit ses dépendances d'au moins un tiers, alors dans le même temps le nombre de produits dépendants importés majoritairement de Chine a augmenté de 20% en Europe (surtout dans l’électronique et les transports) et de 10% aux Etats-Unis (en particulier dans la chimie). 

Les États-Unis et l’UE affichent un niveau équivalent de dépendance à l'importation tous secteurs confondus (respectivement 395 et 390 produits "dépendants"), mais "l’UE se démarque en exportant un bon nombre de produits dont ses partenaires dépendent". En particulier, l’Europe est avec un quart des produits concernés le premier fournisseur de produits "dépendants" importés par la Chine. Ainsi, la Chine est trois fois plus exposée à un choc sur ses importations venant de l’UE que des États-Unis.

Interdépendances commerciales: l’UE n’est "pas dépourvue d’atouts" face aux Etats-Unis

L’interdépendance des économies peut constituer un "rempart" pour éviter les conflits commerciaux dans un contexte géopolitique tendu car, lorsqu’un fournisseur se rend indispensable, les risques de coercition économique diminuent.

L’analyse des interdépendances, mesurées par la différence entre le nombre de produits "dépendants" échangés avec l’économie partenaire, confirme la domination chinoise. La Chine fournit 62 produits stratégiques "dépendants" de plus que l’UE ne lui en fournit. Avec les Etats-Unis, l’écart est de 50 produits en faveur de la Chine.

Le même exercice appliqué au tandem Europe/Etats-Unis est favorable à l’UE, qui fournit 24 produits dépendants stratégiques de plus aux Etats-Unis qu’ils ne lui en fournissent. En cas de conflit commercial avec les Etats-Unis, le rapport de force des interdépendances serait donc plutôt favorable à l’Europe, ce qui lui confère un pouvoir de négociation en cas d’utilisation de l’arme tarifaire par l’administration Trump.

Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous.

Dépendances commerciales : si la Chine est en position dominante, l’Union européenne n’est pas dépourvue d’atouts
Pauline Wibaux
La Lettre du Cepii N°452, février 2025

Voir aussi :

Towards a Trade War in 2025: Real Threats for the World Economy, False Promises for the US
Antoine Bouët, Leysa Maty Sall, Yu Zheng
Document de travail du Cepii, N°2025-03, février 2025

Après une revue de la littérature, les auteurs utilisent le modèle MIRAGE-Power pour simuler une guerre commerciale initiée en 2025 par la nouvelle administration Trump. Dans le scénario central (augmentation de 60 pp des droits de douane sur toutes les importations américaines en provenance de Chine, une augmentation de 10 pp sur tous les produits provenant d'autres partenaires, à l'exception du Canada et du Mexique, et des représailles tarifaires réciproques), le PIB mondial diminuerait à horizon 2030 de -0,5% et le commerce mondial de -3,4% en volume, avec des pertes importantes pour les États-Unis et la Chine (-1,3% de PIB pour les deux pays), une perte moins importante pour la France (-0,1% de PIB) et des gains pour le Canada (+1,3%) et le Mexique (+6,6%). Une réallocation majeure des flux commerciaux bilatéraux de biens aurait lieu au niveau mondial, avec un effondrement des échanges entre la Chine et les États-Unis et une augmentation importante des déficits commerciaux de nombreux pays vis-à-vis de la Chine. Pour la France, le volume des exportations serait réduit à horizon 2030 de -0,5% dans le scénario central.