Focus
Perspectives économiques à court terme
Grâce aux réformes qui ont permis de repousser l’âge effectif de départ à la retraite en France, la situation financière du système de retraites, en dégradation constante entre 2002 à 2010, s’est redressée progressivement. Selon le rapport commandé à la Cour des comptes par le Premier ministre, elle se dégraderait toutefois dès 2024 en raison notamment des revalorisations de pensions. A plus long terme, au-delà de 2035, les effets favorables de la réforme de 2023 seraient insuffisants pour assurer l’équilibre du système.
Avant l’ouverture de discussions entre syndicats et patronat sur de possibles évolutions du système de retraite français par répartition, dont le coût représente près de 390 Mds€ par an (14% du PIB), un audit, issu d'une "mission flash" confiée à la Cour par le Premier ministre, examine "la situation financière et les perspectives du système de retraites".
Après une dégradation de son équilibre financier entre 2002 et 2010, le système de retraites français a présenté un excédent en 2023 (+8,5 Md€). Si les réformes conduites depuis 2003 ont permis un recul réel de l’âge de la retraite de 2 ans et 2 mois entre 2010 et 2023, la forte inflation a aussi "amélioré provisoirement la situation financière de 4 Md€ » en raison de son effet rapide sur les recettes. L’impact de l’inflation s’est inversé en 2024 avec la revalorisation des pensions.
Certains régimes sont cependant en difficulté. En particulier, le régime général et le régime des salariés agricoles (42% du montant total des pensions), dans une "situation financière précaire", constituent l’enjeu principal de l’équilibre financier du système, tandis que la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et des hôpitaux (CNRACL, 7% du total des pensions) est "dans une situation critique".
Selon la Cour, la réforme des retraites de 2023 aurait un effet positif sur l’équilibre du système de retraites jusqu’en 2032, mais de plus en plus limité au-delà.
La Cnav (caisse nationale d’assurance vieillesse) a ainsi estimé les effets de la réforme des retraites de 2023 sur la situation financière du régime général (pour les salariés du secteur privé, les indépendants et les salariés agricoles) : le solde du régime général "serait amélioré de + 1,6 Md€ en 2025, serait maximal en 2032 (+ 7,1 Mds€), puis décroîtrait pour s’élever à 6 Mds€ en 2035 et 3,8 Mds€ en 2045".
Une estimation cohérente, souligne la Cour, avec les effets sur le solde de l’ensemble des régimes estimés à 11,8 Mds€ par Rexecode et à 9,7 Mds par la Direction du Trésor à horizon 2030.
Au-delà du système de retraite, cette réforme de 2023 aurait un effet positif sur les finances publiques : elle devrait "améliorer la situation financière de l’ensemble des administrations publiques, hors système de retraites, de 14,5 Mds€ selon la direction générale du Trésor et de 8,2 Mds€ selon Rexecode".
En tenant compte du surcroît de dépenses sociales – prestations sociales, chômage, maladie, etc. – évalué par Rexecode à 2,7 Mds€ en 2030, et d’une hausse des recettes publiques (+10,9 Mds€ selon Rexecode) induite par l’augmentation de l’activité (+1,1% de croissance du PIB associée à la réforme, selon la DG Trésor et Rexecode), le gain total pour le système de retraites et les autres administrations publiques en 2030 est "estimé à 24,2 Mds€ par la direction générale du Trésor et à 20 Mds€ par Rexecode".
Malgré la réforme de 2023, la Cour estime toutefois que le déficit du système de retraite (tous régimes compris) devrait atteindre 6,6 Mds€ dès 2025, puis se dégrader à partir de 2030, pour atteindre près de 15 Mds€ (hors inflation) en 2035, et environ 30 Mds€ en 2045. Le régime général concentrerait l’essentiel du déficit à horizon 2045 (entre 25 et 30 Mds€), du fait d’une forte baisse du nombre de cotisants par rapport à celui des retraités.
L’accumulation des déficits conduirait au "gonflement d'une dette" du régime général de l’ordre de 350 Mds€ en 2045 (contre 2,4 Mds à fin 2023), à laquelle s’ajouterait une dette de plus de 120 Mds€ pour la CNRACL (7,1 Mds fin 2023).
La Cour analyse à horizon 2035 les effets des principaux leviers possibles sur l’équilibre financier du système de retraites : âge d’ouverture des droits, durée d’assurance requise, taux de cotisation, indexation des pensions. Les effets de ces différents leviers sur la compétitivité de l’économie française et sur l’emploi seront évalués dans un prochain rapport de la Cour des comptes, à paraître mi-avril.
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous.
Situation financière et perspectives du système de retraites – Communication au premier ministre
Cour des comptes, 20 février 2025