Selon la Banque centrale européenne, alors que le taux d’activité reste inférieur de 0,6% à son niveau d’avant la crise du Covid-19, la diminution des flux migratoires a contribué avec la progression des travailleurs inactifs à la baisse de l’offre de main d’œuvre en zone euro. Une étude du Conseil d’analyse économique confirme, pour la France, que les difficultés de recrutement observées à l’été 2021 seraient liées au faible afflux de travailleurs étrangers, surtout dans certains secteurs.

Dans son Bulletin économique paru le 11 novembre, la Banque Centrale Européenne (BCE) examine les facteurs qui ont contribué aux évolutions de l’offre de main-d’œuvre dans la zone euro depuis la pandémie de Covid-19.

Au 2ème trimestre 2021, le taux d’activité (ratio entre la population active et la population en âge de travailler) reste inférieur de 0,6% à son niveau d’avant la crise, soit environ 1,4 million de travailleurs en moins. L’écart actuel du taux d'activité par rapport au niveau attendu en prolongeant la dynamique d’avant-crise s’établirait à environ –0,75 point de pourcentage.

Si le nombre de travailleurs dans la population active reste nettement inférieur aux niveaux d’avant crise en Allemagne et en Italie, il est stable en France et en Espagne, et beaucoup plus élevé aux Pays-Bas. La situation est aussi hétérogène selon les catégories de travailleurs, le recul de l'activité touche davantage les plus âgés et ceux dont le niveau d’instruction est moins élevé ou moyen.

La BCE note que les évolutions de la population active sont "étroitement alignées" sur celles des travailleurs découragés (disponibles pour travailler mais qui ne cherchent pas d’emploi ne pensant pas en trouver), considérés comme inactifs, ce qui n’était pas le cas avant la pandémie.

Cet alignement s’expliquerait en partie par le fait que la population en âge de travailler est demeurée globalement stable durant la pandémie, principalement en raison d’une modération de l’immigration nette depuis le début de la crise, alors qu’elle augmentait auparavant. Or cette immigration devait, selon les prévisions, compenser le vieillissement de la population "et entretenir ainsi la hausse de la population en âge de travailler".

Le retour du taux d’activité au niveau pré-pandémique "prendra du temps" et dépendra de nombreux facteurs (ampleur des séquelles, nombre de personnes qui ont repris leurs études, retour à l’emploi des travailleurs découragés, redressement de la demande de main-d’œuvre, etc.).

Évolutions de l’offre de main d’œuvre dans la zone euro durant la pandémie de COVID-19
Banque Centrale Européenne - Katalin Bodnár et Derry O’Brien – Bulletin économique N°7/2021, 11 novembre 2021

Dans un Focus publié le 9 novembre, le Conseil d’analyse économique constate que les entreprises des secteurs qui emploient traditionnellement davantage de travailleurs immigrés ont été plus nombreuses à rencontrer des difficultés de recrutement depuis la crise Covid.

Pendant la crise du Covid-19, les flux migratoires à destination de la France ont fortement baissé (-79,8% de visas délivrés en 2020 par rapport à 2019). À partir des données de l’enquête Acemo-Covid (Dares) de juillet et août 2021, les auteurs établissent une relation significative et positive entre les entreprises déclarant d’importantes difficultés de recrutement sur cette période et les secteurs présentant, avant la crise (en 2018), une part importante de travailleurs immigrés parmi la main d’oeuvre totale.

Les difficultés de recrutement observées à l’été 2021 en France seraient ainsi, selon les auteurs, notamment liées au faible afflux de travailleurs étrangers, en particulier pour les métiers pénibles, peu qualifiés et aux contrats précaires, et dans des secteurs comme le bâtiment, l’hôtellerie-restauration, les transports et le tourisme, et l’informatique.

Immigration et difficultés de recrutement
Conseil d'analyse économique - Jean BEUVE, Madeleine PERON, Baptiste ROUX - Focus N°73, 9 novembre 2021

Enfin, dans son dernier point de conjoncture, la Banque de France note que les difficultés de recrutement se sont un peu atténuées en octobre, en particulier dans les services, après une augmentation continue au cours des mois précédents. Selon l’enquête de conjoncture menée entre le 27 octobre et le 4 novembre auprès de 8500 entreprises, ces difficultés concernent toutefois encore près de la moitié des entreprises (49%, après 54% en septembre). Selon la Banque de France, ces difficultés de recrutement ne semblent pas avoir d’impact sur la fixation des prix – contrairement aux difficultés d’approvisionnement et à la hausse des prix des matières premières.

Point sur la conjoncture française à début novembre 2021
Banque de France, 8 novembre 2021

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