Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
La guerre en Ukraine et les sanctions à l’encontre de la Russie pourraient favoriser une restructuration de la production et des échanges internationaux en deux blocs, avec les économies des pays occidentaux d’un côté et les BRIC (principalement Russie et Chine) de l’autre. Des économistes du CESifo examinent le coût économique pour chaque pays ou zone d’une réduction drastique des échanges commerciaux associée à un doublement des barrières non tarifaires, ainsi que l’effet d’un embargo sur les énergies russes.
Une étude publiée dans le cadre du réseau de recherche économique CESifo analyse les effets à long terme d'un "découplage" (quasi disparition des échanges commerciaux) entre "l'Ouest" (l’Union européenne, les États-Unis et leurs alliés) et "l'Est" (les "BRIC", en premier lieu la Russie et la Chine, ainsi que le Brésil et l’Inde).
Les auteurs quantifient à l'aide d'un modèle les effets sur le commerce (importations/exportations) et le "bien-être" (revenu réel) d’un doublement des barrières non tarifaires (BNT: contrôles à l’importation, aides d’Etat, règles de passation des marchés publics, etc.) selon divers scénarios de "découplage" entre blocs.
Les données modélisées (qui couvrent 65 secteurs dans 141 pays, soit 98% de l'activité économique mondiale) proviennent de la base Global Trade Analysis Project (GTAP), qui présente l’avantage d’identifier les secteurs des énergies fossiles, ce qui permet aux auteurs d’évaluer aussi l’effet d’un embargo occidental sur les énergies russes.
• Un découplage économique entre l'UE et la Chine réduirait durablement et dans une même ampleur le revenu des deux économies (-0,8 % et -0,9 % respectivement) sachant que les exportations bilatérales baisseraient d’environ 96%.
• Un découplage entre la Russie et l'Ouest aurait des impacts à long terme beaucoup plus graves pour le revenu réel en Russie (-9,7%) que pour les États-Unis et leurs alliés (-0,2% en moyenne, -0,4% pour l’UE), principalement en raison du faible poids économique de la Russie par rapport à l’Occident. Ce coût serait inégalement réparti: les pays d'Europe de l'Est seraient les plus pénalisés en raison de leurs liens étroits avec l'économie russe (jusqu'à -2,48% de perte de revenus en Lituanie). A l’inverse, la Chine serait légèrement bénéficiaire (+0,2%) avec un quasi doublement de ses importations en provenance de Russie.
• Un découplage entre "l'Est" (BRICs) et "l'Ouest" réduirait le revenu des deux groupes de 3,9% et 1,3% respectivement. Dans ce scénario le plus sévère, les pertes de revenus seraient aussi hétérogènes, les pays les plus pénalisés étant la Russie (-9,6%), Malte (-6,3%), puis Taïwan et la Corée du Sud (-4,4%). Le coût serait de l’ordre de -1,6% pour l’Allemagne, -1% en France et en Italie.
• Dans le cas d’un embargo occidental sur les énergies fossiles russes (pétrole, gaz, charbon), les exportations de la Russie chuteraient de -19,5% (-56,6% vers l’Ouest) et ses revenus de -6,6%. Le coût serait faible pour les économies occidentales avec des revenus en baisse de -0,1% en moyenne (-0,3% en Allemagne, environ -0,1% en France). Il s’agit cependant d’une estimation à long terme, "au moins 5 à 10 ans" précisent les auteurs, le temps d’avancer en matière de transition énergétique ou dans la construction de nouveaux pipelines et terminaux de gaz naturel liquéfié.
Synthèse réalisée par le service Documentation de Rexecode, lien ci-dessous pour accéder au document.
Cutting through the Value Chain: The Long-Run Effects of Decoupling the East from the West
CESIFO - Gabriel FELBERMAYR, Hendrik MALHKOW, Alexander SANDKAMP - Econpol Policy Brief N°41, 14 avril 2022
Pour une analyse détaillée, voir :
Cutting through the Value Chain: The Long-Run Effects of Decoupling the East from the West
KIEL INSTITUTE FOR THE WORLD ECONOMY - Kiel Working Paper N°2210, mars 2022
Voir aussi :
The Crisis in Ukraine: Implications of the war for global trade and development
ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE, 11 avril 2022
L’OMC a récemment analysé les conséquences immédiates et potentielles de la guerre en Ukraine et des sanctions internationales à l'encontre de la Russie. Elle souligne qu’à long terme, le risque est que le commerce mondial se fragmente en blocs basés sur la géopolitique. Si les acteurs optaient pour une minimisation des risques en réorientant les chaînes d'approvisionnement, l’OMC estime que cela pourrait réduire le PIB mondial à long terme d'environ 5%, notamment en raison de la diminution de la concurrence et des incitations à l'innovation.
Regional Economic Outlook Europe - War Sets Back the European Recovery
FMI – Regional Economic Outlook : Europe, avril 2022
Russia’s Invasion of Ukraine: Assessment of the Humanitarian, Economic and Financial Impact in the Short and Medium Term
WIIW – Policy Notes and Reports N°59, avril 2022
A potential sudden stop of energy imports from Russia: Effects on energy security and economic output in Germany and the EU
GERMAN COUNCIL OF ECONOMIC EXPERTS – Working Paper, avril 2022