Focus
Perspectives économiques à moyen terme
Après son rapport sur la situation financière du système de retraites en France, la Cour des comptes examine les interactions entre retraite, emploi et compétitivité. Si l’impact du financement du système sur la compétitivité est ambivalent, les liens avec l’évolution de l’emploi, des seniors en particulier, sont plus nets. Augmentation des cotisations, recul de l’âge de départ et conditions d'indexation des pensions: la Cour examine les effets potentiels de ces leviers d’ajustement.
Saisie de la question des retraites par le Premier ministre en janvier 2025, la Cour des comptes a rendu en février un premier rapport consacré à la situation financière du système de retraites et à ses perspectives. Dans un second rapport, la Cour étudie les effets des paramètres actuels du système de retraites sur la compétitivité et sur l’emploi, en comparaison avec les autres pays de la zone euro.
Le taux d’emploi des seniors est directement lié à l’âge de départ à la retraite. Ainsi, les mesures de recul de l’âge de la retraite ou de maintien des seniors dans l’emploi décidées en Allemagne ou en Italie ont entraîné une augmentation du taux d’emploi des seniors. Or, la France souffre d’un taux d’emploi (68,4% pour les 15-64 ans en 2023), inférieur à la moyenne de la zone euro (75%), notamment du fait d’un faible taux d’emploi des hommes de 60 ans et plus.
Une augmentation du taux d’emploi aurait "des effets positifs tant sur l’activité économique que sur les finances publiques", et améliorerait donc le financement du système de retraites.
S’appuyant sur des études récentes, la Cour note qu’un alignement du taux d’emploi français sur celui de l’Allemagne aurait pour effet une augmentation du PIB de 3,2% (Direction du Trésor) à 5% (Rexecode). Une hausse de 3,2% du PIB génèrerait, via l’augmentation de la masse salariale et des prélèvements obligatoires, une progression de l’ordre de 39 Md€ de recettes publiques, dont 7 Mds€ nets pour les recettes du système des retraites.
Depuis les années 2000, la France s’est désindustrialisée et ses performances à l’exportation se sont dégradées. L’impact du financement du système de retraite (près de 14 points de PIB, soit 2,5 points de plus que la moyenne de la zone euro) sur cette dégradation de la compétitivité est « ambivalent », note la Cour.
Le financement des dépenses de retraite explique une partie de l’évolution des coûts salariaux unitaires et donc de la compétitivité coût. Les écarts d’évolution des coûts salariaux se sont certes résorbés depuis 2013, voire inversés, par rapport à nos principaux partenaires européens, particulièrement dans le bas de l’échelle des salaires grâce à la politique de baisse du coût du travail en France.
Mais la structure atypique des cotisations sociales finançant le système des retraites (importants allégements de cotisations sociales au niveau du Smic et cotisations plus importantes que dans les autres pays européens sur les niveaux de salaires les plus élevés), pourrait peser sur la compétitivité hors coût et la productivité en limitant le développement de l’emploi très qualifié, et limiter à moyen terme la montée en gamme du système productif.
Face aux enjeux d’équité inter- et intra-générationnelle du système de retraite, la Cour examine les effets des différents leviers d’ajustement des paramètres du système de retraite sur la compétitivité et l’emploi :
- Augmenter les cotisations aurait un impact négatif sur l’emploi et la compétitivité, même si son ampleur peut varier selon que l’augmentation concerne les cotisations employeurs ou salariales et qu’elle cible ou non les bas salaires.
- Retarder l’âge de départ à la retraite (que ce soit par une augmentation de la durée de cotisation ou par un recul de l’âge d’ouverture des droits) aurait un impact positif sur le taux moyen d’emploi. Toutefois, souligne la Cour, le recul de l’âge de départ au cours des années 2010 a induit pour les ouvriers, les personnes ayant des difficultés de santé et les femmes, un allongement du temps passé "ni en emploi ni en retraite".
- Réformer l’indexation des pensions de retraite. Opter pour une indexation inférieure à l’inflation aurait un faible impact sur l’emploi selon la Cour. Cependant, « ce critère d’indexation n’apparaît pas le plus adapté » pour assurer un équilibre durable du système de retraites. Une indexation des pensions de retraite sur les salaires favoriserait une meilleure équité entre retraités et actifs et faciliterait le pilotage du système de retraite.
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès par le lien ci-dessous.
> Impacts du système de retraites sur la compétitivité et l’emploi
Cour des comptes – Communication au Premier ministre, 10 avril 2025
Voir aussi :
> Sous-indexer certaines pensions de retraite : pourquoi et comment ?
Institut des politiques publiques - Blog IPP, Patrick Aubert, avril 2025
Ce billet de blog examine les fondements potentiels d’une sous-indexation de certaines retraites : "Comment s’inscrit-elle dans le débat sur la mise à contribution des retraités ? Est-elle légitime ? Quel sens lui donner dans la problématique plus large du pilotage du système de retraite ? Comment en choisir les modalités ?"
Dernière minute
> Un monde en mutation – Productivité, compétitivité et transition numérique - Cinquième rapport du Conseil national de productivité
Conseil national de productivité – 14 avril 2025
Le rapport analyse l’évolution depuis 2019 de la productivité du travail et de la compétitivité de la France par rapport à ses principaux partenaires commerciaux, en particulier les autres pays européens. Il analyse notamment les facteurs de la compétitivité française et de ses performances à l’exportation.
Le CNP examine également les développements récents en France en matière d’adoption des technologies numériques (incluant l’IA et la robotique), en les comparant à ceux des autres pays européens et des États-Unis, et estime les gains de productivité de ces technologies pour les entreprises.