Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Avec la progression du numérique dans une économie mondialisée, les Etats doivent faire face à l’érosion de l’assiette taxable et résister à la concurrence fiscale internationale. La refonte de la fiscalité des entreprises telle qu’envisagée au sein de l'Ocde serait favorable à la France, selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). En cas d’échec des négociations, la France devrait soutenir une harmonisation de la fiscalité à l’échelon européen et évaluer les marges de manœuvre fiscales au niveau national.
L’OCDE a lancé dès 2015 des initiatives sur l’adaptation concertée de la fiscalité des entreprises dans le cadre du plan d’action relatif à l’érosion de la base d’imposition et au transfert de bénéfices (Base erosion profit shifting – BEPS).
Les négociations en cours* qui concernent 137 pays portent sur :
• Pilier 1 : la répartition des droits d'imposition entre pays de production et pays de consommation.
• Pilier 2 : un seuil minimal d'imposition pour tous les pays.
Le projet d'accord concerne tous les secteurs, mais est particulièrement aigüe pour les multinationales du numérique qui paient des impôts très faibles sur certains marchés où leur présence physique est réduite.
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), à la demande de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, a tenté d’estimer les conséquences économiques et budgétaires pour la France des piliers 1 et 2:
• Le pilier 1 occasionnerait pour la France une perte "très mesurée" de recettes fiscales, estimée entre 300 et 400 millions d'euros.
• Les gains de recettes fiscales issus du pilier 2, sous l'hypothèse d'un taux minimum de 12,5%, s’élèveraient à 7,3 Mds€, dont 3,9 Mds acquittés par des entreprises établies en France et 3,4 Mds par les filiales d'entreprises étrangères.
En cas d’accord dans le cadre des négociations à l’Ocde, le CPO recommande de mettre en place un organe de règlements des litiges sur le modèle de l’OMC, permettant notamment de prévenir le risque de double imposition, et d’engager un travail pour rendre les données fiscales des multinationales plus transparentes.
En cas d’échec total ou partiel des négociations (accord partiel, ou poursuite des négociations en 2021*), le CPO plaide pour la mise en oeuvre au niveau européen d’une taxation minimale des profits (reprise des règles du pilier 2 de BEPS), applicable au moins aux filiales européennes de groupes internationaux. Le CPO recommande également la création d'une taxe sur les services numériques, projet déjà retoqué à deux reprises, ou à défaut le maintien d'une taxe nationale.
Dans ces conditions, la marge de manœuvre serait étroite pour maintenir la compétitivité des entreprises françaises. Le CPO prône le maintien de la stratégie de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés à 25% d’ici à 2022. La stratégie et le financement d’une baisse des impôts de production, quant à eux, "restent à définir". Pour financer cette baisse, le CPO évoque en particulier l’augmentation de la TVA à moyen terme, la fiscalité écologique, ou une réduction de la dépense publique.
* Mercredi 15 octobre, les ministres des finances du G20 ont acté la poursuite jusqu’à mi 2021 des négociations.
Adapter la fiscalité des entreprises à une économie mondiale numérisée
Conseil des prélèvements obligatoires – 14 octobre 2020
Voir également les 4 "rapports particuliers" réalisés à la demande du CPO et publiés simultanément :
Rapport particulier n°1 - La situation des prélèvements obligatoires sur les entreprises en France et chez ses principaux partenaires économiques
Inspection générale des Finances - Sandra DESMETTRE, juillet 2020
Rapport particulier n°2 - Les frontières des impôts de production
Conseil d’Etat - Sylvain HUMBERT, octobre 2020
Rapport particulier n°3 : L'impact sur le système fiscal des nouveaux modèles économiques
Cour des Comptes - Olivier BRANDOUY, octobre 2020
Rapport particulier n°4 - Les nouvelles règles de la fiscalité internationale des entreprises
Direction générale du Trésor, INSEE - David BERTHIER, Lorraine KOEHL, Matthieu LEQUIEN – juin 2020
Voir aussi l'étude d'impact réalisée par l'Ocde :
OECD/G20 Base Erosion and Profit Shifting Project
Tax Challenges Arising from Digitalisation: Economic Impact Assessment
OCDE, octobre 2020
Ce rapport présente une analyse ex ante des conséquences économiques et fiscales des propositions du Pilier 1 et du Pilier 2. (VF à paraitre le 23 novembre).
Synthèse réalisée par la Documentation de Rexecode, pour accéder aux notes citées suivre les liens sur chaque document