Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Instrument efficace pour réduire les émissions de CO2 dans les pays ou territoires où elle est appliquée, la taxation du carbone favoriserait néanmoins des transferts de production, ou "fuites de carbone" vers les pays émergents en particulier où il est peu ou pas taxé, estime un document de travail de la Banque centrale européenne. Les politiques fiscales n’auront d’effet significatif sur les émissions que si la coopération internationale permet d’en augmenter le coût, quel que soit leur lieu de production.
En réponse au changement climatique, les taxes sur le carbone sont considérées comme un outil politique efficace. Mais si elles permettent de réduire les émissions de CO2 sur le territoire où elles s’appliquent, elles peuvent aussi entrainer un déplacement des émissions vers des "paradis" où elles sont peu ou pas taxées.
Pour objectiver ce phénomène de "fuites de carbone", un document de travail de la Banque centrale européenne estime l’impact des taxes carbone, à la fois sur les émissions de CO2 du territoire concerné, et sur les émissions importées.
L’analyse est fondée sur un échantillon de 57 pays représentant environ 91% des émissions mondiales de CO2 en 2018, et comprenant un nombre important (29) de pays émergents et en développement, alors que la majeure partie de la littérature se concentre sur les économies avancées. Selon l’étude :
• Les taxes carbone réduisent les émissions à l’intérieur des frontières du pays, avec un recul moyen cumulé dd’environ 7% six ans après l’introduction de la taxe, mais n’ont pas d’effet significatif sur les émissions liées à la consommation (émises partout dans le monde pour satisfaire la demande intérieure).
• La taxation du carbone entraîne une légère augmentation des importations du pays (+3,25% par an en moyenne par rapport à l’année d’introduction de la taxe carbone), ce qui suggère que le commerce international peut impliquer une externalité carbone négative au niveau mondial, en l’occurrence, un transfert des émissions des pays avancés vers les pays émergents, notamment la Chine et l’Inde.
Ces résultats mettent en évidence les limites des taxes nationales sur le carbone prises isolément et l’importance de la coopération internationale pour augmenter le coût marginal des émissions, quel que soit le lieu. Les auteurs suggèrent que "les clubs climatiques, les ajustements carbone aux frontières ou un prix mondial du carbone pourraient contribuer à endiguer" ces fuites de carbone.
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous.
Pollution havens? Carbon taxes, globalization, and the geography of emissions
Banque Centrale Européenne, Working Paper Series N.2862, 3 novembre 2023
Voir aussi :
Environmental policy stringency and CO2 emissions Evidence from cross-country sector-level data
OCDE – Economics Department Working Papers N.1773, 6 novembre 2023
Ce document examine l'efficacité des politiques de réduction des émissions de CO2 à court et à long terme, à partir de données longitudinales couvrant 30 pays de l’OCDE et plus de 50 secteurs. L’analyse s’appuie sur l’indice de rigueur des politiques environnementales (EPS) de l’OCDE, qui suit les politiques d’atténuation du changement climatique et de la pollution atmosphérique.
Des politiques environnementales plus strictes sont bien associées à des émissions plus faibles. Cet effet, qui s'accroit avec le temps, varie selon les secteurs en fonction de leur intensité en énergies fossiles. Une augmentation d’une unité de l’indice EPS (environ un écart type) est associée à une réduction de 4 % des émissions de CO2 dans le secteur à intensité énergétique médiane après 2 ans et de 12 % après 10 ans. Pour les secteurs les plus intensifs, la baisse des émissions serait de 11 % après 2 ans et de 19 % après 10 ans. Les politiques environnementales ciblées sur les secteurs de l’énergie, de l’industrie manufacturière et des transports ont l’impact potentiel le plus important.
Des scénarios illustratifs indiquent que pour parvenir à des réductions d’émissions conformes aux objectifs de zéro émissions nettes d'ici 2050 (avec une réduction de 30% d'ici 2030) les politiques environnementales devraient se durcir fortement et rapidement. Une accélération modérée de l'indice EPS, qui le ramènerait à son rythme de la période 2000-2010, serait insuffisante, de même qu'une accélération supérieure qui amènerait l'indice au niveau qu'il aurait atteint en 2030 si sa progression n'avait pas ralenti.