Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Emmanuel Jessua participait le 9 juillet aux débats des "Voix de l'économie" dans le cadre des Rencontres économiques d'Aix en Provence. Alors que les "Big Techs" sont américains ou chinois, l'Europe peut-elle revenir dans la course ? La naissance d'un champion des nouvelles technologies ne se décrète pas mais beaucoup reste à faire pour fournir un cadre favorable à l'innovation à l'échelle européenne.
• Pour le moment il y a plutôt un retard européen, en particulier vis-à-vis des Etats-Unis
En France et plus généralement en Europe, la contribution des innovations à la croissance est plus faible qu’aux Etats-Unis. Les dépenses de R&D privée représentent environ 1% du PIB en Europe contre 2% aux Etats-Unis, voire 3% au Japon et en Corée. Il y a donc vraiment des écarts très importants, au désavantage de l’Europe. Enfin, l’Europe accuse un retard dans l’appropriation des technologies numériques. La contribution du stock de capital en technologies de l’information et de la communication y est inférieure à celle des Etats-Unis.
Ce retard pourrait notamment trouver sa source dans le fait que, en Europe, les dépenses de R&D se concentrent sur un petit nombre d’assez grosses structures. Trop peu d'entreprises naissantes très innovantes parviennent à croître durablement, aussi bien en France qu’en Europe.
• L'heure n'est plus au Colbertisme technologique
Dans un monde qui n’est plus en phase de rattrapage comme nous l’avons connu lors des 30 glorieuses mais où les économies sont à la frontière technologique, l’innovation est la seule manière de créer durablement davantage de croissance par habitant.
Or, l’innovation, repose sur la destruction-créatrice : de nouvelles entreprises doivent naitre pour en remplacer d’autres. La solution ne peut résider dans un "Colbertisme high tech". L’Etat n’est pas plus clairvoyant que les entreprises pour identifier les secteurs d’avenir et il a davantage de difficultés à réallouer les ressources lorsque un projet échoue. L’enjeu pour la puissance publique n’est donc pas de créer par exemple un grand moteur de recherche ou un grand réseau social européen, mais de forger les institutions et les cadres favorables au développement d’entreprises innovantes.
• Fournir un cadre favorable à l'innovation à l'échelle européenne
La politique européenne peut agir sur de nombreux points :
- Continuer à harmoniser les meilleures pratiques en termes de flexibilité du travail, pour permettre à la main d’œuvre d’aller vers les entreprises les plus efficaces.
- Réaliser l’unification des marchés des capitaux pour lever des financements à l'échelle européenne. Dans un monde à la frontière technologique, le financement bancaire recule en effet au profit du financement par fonds propres, du capital-risque. Affiner les règles du droit de la concurrence et de la propriété intellectuelle pour éviter le maximum de barrières à l’entrée aux entreprises les plus disruptives.
- La main d’œuvre doit pouvoir circuler beaucoup plus facilement entre les pays pour alimenter les divers hubs technologiques. Mais une mobilité accrue risque aussi de mettre en difficulté des territoires qui ne parviendront pas à faire émerger des pôles d’activité importants. Cette question est donc difficilement dissociable de celle d’une intégration politique et de la mise en place d’un budget européen, entraînant des transferts vers les individus ou les régions les plus à l’écart des dynamiques économiques en Europe
Rencontres économiques d'Aix en Provence
Les Voix de l'économie, les Think Tanks débattent (6 juillet 2018)
Quel new deal face aux ruptures technologiques ?
16h10 : Dans 10 ans l’Europe sera-t-elle en tête de la course ?
avec Françoise Benhamou (Cercle des économistes), Emmanuel Jessua (Coe-Rexecode), André Loesekrug-Pietri (J.E.D.I)
animé par Eric le Boucher (les Echos) et Emmanuel Lechypre (BFM)
Débats disponibles sur le site du Cercle des économistes.