La hausse des prix à la consommation est partie pour changer de carburant en 2022. Elle sera probablement moins liée à la hausse des prix énergétiques et davantage issue de l’alimentaire, des produits manufacturés, voire des services consommés par les ménages. Cette décomposition de la hausse des prix d’ensemble pourrait suggérer à tort que les prix sont isolés les uns des autres. Au contraire, de puissants effets de capillarité s’exercent. La relation entre prix de l’énergie et prix des produits alimentaires l'illustre bien.

• La hausse des prix à la consommation est partie pour changer de carburant en 2022

Fin 2021, la moitié de la hausse de 2,8% de l’indice des prix mesurée sur un an était expliquée par celle des prix des produits énergétiques. En 2022, cette contribution sera probablement moindre. Les prix de l’électricité augmenteront certes de 4% en février mais le tarif réglementé du gaz est gelé tout l’hiver par décision gouvernementale depuis fin septembre. Les cours du baril de pétrole progresseront probablement également mais bien moins en 2022 qu’ils ne l’ont fait en 2021, année où ils se comparaient au niveau très bas touché en 2020.

• Moins de hausse de prix énergétiques, mais probablement plus d’inflation en provenance de l’alimentaire, des produits manufacturés, voire des services consommés par les ménages

Les hausses très fortes de nombreux cours mondiaux de produits alimentaires et en particulier du blé, dont le prix de marché à Rouen a dépassé son record inscrit en 2008, ont été peu répercutées jusqu’à présent dans les prix à la consommation. Les prix des produits alimentaires apparaissent même sages avec leur hausse de 1,4% sur un an fin 2021. Toutefois, là où les mouvements des cours du baril sont rapidement répercutés dans les prix à la consommation, cette transmission est plus lente quand les chocs de cours mondiaux concernent les produits agricoles ou les métaux. L’explication principale est contractuelle : des tarifs négociés peuvent courir sur un ou plusieurs exercices. La transmission entre cours des produits agricoles et prix est plus lente mais elle se fera probablement en 2022 de sorte que l’inflation pourrait se révéler plus "alimentaire" ou "manufacturière" et un peu moins "énergétique".

• Les chocs de prix ne sont pas isolés, comme l’illustre la relation entre prix de l’énergie et prix des produits alimentaires

Cette décomposition en contribution des différents produits et services consommés par les ménages à la hausse des prix d’ensemble est toutefois trompeuse. Elle conduit à une représentation dans laquelle les chocs de prix apparaissent disjoints, isolés les uns des autres, alors qu’en réalité de puissants effets de capillarité s’exercent. La relation entre prix de l’énergie et prix des produits alimentaires en est tout à fait illustrative. Elle passe notamment par les coûts de production agricole et en particulier ceux des engrais.

Le prix des engrais est en hausse de 80% sur un an et l’ensemble des prix des moyens de production agricole progresse de plus de 16%. L’explosion du prix des engrais est l’ombre portée du choc intervenu en 2021 sur le prix du gaz naturel, qui en constitue l’intrant principal. La progression du prix du gaz a été telle que certaines unités en Europe ont interrompu leur production d’engrais pour ne pas produire à perte. Produit peu susceptible d’importations sur de longues distances, le prix des engrais a ainsi explosé. Cette situation n’est pas inédite. En 2008, déjà il avait progressé de près de 50% en moyenne annuelle dans le sillage de la flambée des cours du pétrole puis de prix du gaz. L’ensemble des coûts agricoles avaient bondi cette année-là de 12,5% et les prix des produits alimentaires à la consommation de 4,9%.

Les coûts ne sont certes pas des prix. Les marges des producteurs, des transporteurs et des distributeurs peuvent amortir la transmission des chocs subis en amont dans les processus de production dans les prix à la consommation. Mais c’est bien parce qu’il y a eu une flambée des prix de l’énergie qu’il peut y avoir accélération des prix alimentaires. L’effet de capillarité le plus important est cependant au final celui qui concerne les prix des services consommés par les ménages. Si les chocs de hausse de prix de l’énergie et de l’alimentation venaient à susciter d’importantes hausses de salaires dans des secteurs intensifs en main-d’œuvre alors la boucle prix-salaires-prix serait bouclée.

Chronique de Denis Ferrand paru dans Les Echos du 17 janvier 2022