Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Alors que le sort de l'usine sidérurgique Ascoval et de ses 280 salariés est en suspens, la question de la désindustrialisation et des moyens de l'endiguer revient au coeur des débats. Pour Emmanuel Jessua, directeur des études, cet enjeu est particulièrement critique en France. D'une part, parce que la France est le pays de la zone euro le plus décrocheur en matière d'industrie. D'autre part, parce que l'industrie est essentielle pour un pays de la taille de la France.
• Assiste-t-on à une accélération des plans sociaux en France ?
Une chose est sûre : la désindustrialisation est un phénomène structurel profond et régulier qui affecte l’ensemble de la zone euro. Son intensité est particulièrement forte en France.
La part de nos exportations de biens et services dans celles de la zone euro est tombée de 17,6% au début des années 2000 à 13% en 2017. Dans le même temps, celle de l’Allemagne est passée de 35,7 % à 39,8 %, tandis que celles de l’Espagne et des Pays-Bas se sont stabilisées.
Nous sommes le pays le plus décrocheur en matière d’industrie, suivi par l’Italie (de 17,7% à 14,8%). Aujourd’hui, l’emploi manufacturier ne pèse plus que 9,6% de l’emploi salarié total en France, contre 18,4% en Allemagne.
• Comment expliquer cette divergence franco-allemande ?
Cela tient beaucoup aux directions opposées prises au début des années 2000. En Allemagne, les réformes Schröder se sont accompagnées d’une longue période de modération salariale. En France, le coût unitaire du travail a augmenté avec l’adoption des 35 heures et la convergence des différents Smic. Nos entreprises industrielles ont serré leurs marges pour éviter de répercuter cette hausse sur leurs prix. Mais ce faisant, elles ont limité leur capacité à investir et ont perdu en compétitivité.
Oui. Ils se sont traduits par un redressement des marges industrielles et une reprise de l’investissement, mais il faudra du temps pour que cela se répercute sur la compétitivité. D’autant que cette dernière dépend d’autres éléments tels que le niveau de qualification des salariés de l’industrie. Il est important de favoriser, dans le même temps, les innovations qui feront les industries de demain.
• Peut-on imaginer une France sans industrie ?
Difficilement. Seuls les petits pays peuvent se permettre d’avoir une économie à 100% tournée vers le tertiaire. Pour une nation comme la nôtre, l’industrie est essentielle pour maintenir l’équilibre du commerce extérieur et pour engranger les gains de productivité indispensables à une croissance vigoureuse. En outre, la capacité du tissu industriel à structurer les territoires, différente de celle des services, est déterminante.
Propos recueillis par Marie Charrel
Article complet disponible sur le site du Monde (abonnés).