Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Si l’économie mondiale est désormais nettement plus endettée qu’au début de la dernière crise financière, comme s’en est récemment alarmé le Fonds monétaire international, cette situation est largement due à la Chine. Faut-il s'inquiéter de la forte progression de la dette chinoise ? Comment les autorités chinoises gèrent-elles ce risque ? L'analyse de Cynthia Kalasopatan, économiste Asie, pour le journal La Croix.
• Depuis 2008, la dette chinoise a connu une progression très rapide, de l’ordre de 75 points du PIB. Si bien qu’en février dernier, le pays cumulait une dette de 23 000 milliards d’euros, ce qui représente près de 250% du PIB national et presque 18% de l’endettement mondial.
Pour faire face à la dernière crise financière, les autorités chinoises ont en effet choisi de lancer un programme de stimulus budgétaire massif. Face au risque de voir chuter les exportations du fait du recul de la demande mondiale, ce plan de relance a permis de doper la croissance et de soutenir l’emploi.
Mais depuis 2016, Pékin semble avoir nettement pris conscience que cette politique de dépenses publiques et de distribution accommodante de crédits aboutissait à un niveau de dettes très élevé qui menace, à terme, le système financier.
• Depuis 2016 des mesures limitent l'expansion du crédit, et notamment celle du Shadow Banking
Les taux d’intérêt sur le marché monétaire ont été relevés par quatre fois depuis la fin de 2016. Cette disposition peut paraître technique mais elle est fondamentale car elle a permis de mieux réguler ce que l’on appelle le "shadow banking" ou banque de l’ombre, ce secteur financier qui échappe à tout cadre réglementaire.
Pour se financer, ces entités non bancaires doivent désormais payer plus cher, ce qui a tendance à limiter la progression des crédits qu’elles distribuent. Or ce "shadow banking" serait responsable d'au moins 35% de la dette chinoise.
• Cette politique d’assainissement commence à porter ses fruits.
Selon la banque centrale chinoise, la distribution de nouveaux crédits a augmenté de 8% en mars sur un an alors qu'elle progressait de 32% en septembre 2017. La hausse se poursuit donc, mais à un rythme moins élevé.
Autre indicateur qui montre que la dynamique va dans le bon sens : l’indice de vulnérabilité établi par la Banque des règlements internationaux (BRI) qui compare l'évolution du poids du crédit dans le PIB à sa tendance de long terme, est revenu à 18,7% en juin 2017, après avoir atteint 29% au début de 2016.
Il est vrai qu’il reste du chemin à faire puisque la BRI estime qu’un indice au-dessus de 10% est déjà signe de forte vulnérabilité.
Le processus de désendettement mis en place par Pékin prendra du temps. Il est même probable que l’endettement chinois augmentera avant de se stabiliser. Pour l’heure, on comprend que la situation chinoise interpelle. Et c’est bien le rôle du FMI que de tirer la sonnette d’alarme car les risques sont là. Mais ils sont gérables. Et d’une certaine manière, déjà sous contrôle des autorités chinoises.
Propos recueillis par Antoine d’Abbundo