Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Selon Denis Ferrand, interrogé par Le Figaro, si le mécanisme de propagation dans l'économie d'une désorganisation du transport de voyageurs et de marchandises parait évident, il est difficile d'anticiper le coût de la grève qui débute à la SNCF. D'une part parce que nous n'en connaissons pas la durée, d'autre part parce que son mode "perlé" est inédit. Il est aussi trop tôt pour distinguer la perte d'activité qui s'avérera temporaire de celle qui sera irrécouvrable.
• Sait-on aujourd'hui évaluer l'impact de cette grève?
Par définition, on ne sait pas dire quel sera l'impact sur l'économie, d'autant qu'on ne sait pas combien de temps le mouvement va durer. Il est annoncé pour durer en pointillé jusqu'au mois de juin ; mais cela tiendra-t-il jusque-là ? Cette grève est en outre originale dans sa modalité, avec ce mode perlé ; il n'y a aucun antécédent avec lequel la situation actuelle pourrait être comparée.
Ce que l'on sait avec certitude, c'est qu'il y aura des perdants, la SNCF en tête. L'entreprise l'a dit, un jour de grève lui coûte au moins 20 millions d'euros. Certains secteurs, comme le tourisme, vont en pâtir, le commerce et la restauration aussi. Par contre, d'autres, comme les sites d'autopartage type BlaBlaCar, vont y gagner, du fait du report modal pour le transport des personnes. Ce n'est pas parce que les déplacements sont empêchés qu'ils ne se font pas. Après, il faut être réaliste: ces grèves freinent la mobilité, c'est un facteur de perte d'efficacité du système global et de moindre productivité. Pour les entreprises, ce n'est vraiment pas une bonne affaire.
• Le télétravail n'est-il pas là pour remédier aux problèmes?
Je ne crois pas à la substitution intégrale par le télétravail. D'abord parce qu'il ne peut pas être appliqué à toutes les entreprises. Demandez à un commercial qui doit voir ses clients ce qu'il en pense ! Ensuite, les entreprises sont confrontées à d'autres problèmes, comme celui de l'acheminement de matériel. Il y a déjà aujourd'hui en France des tensions sur les capacités de production. Risque-t-on des ruptures dans la chaîne de production? C'est un peu tôt pour le dire, mais les grèves de transport ne vont évidemment pas dans le bon sens de ce point de vue-là.
• En 1995, les grèves n'avaient pas tant que cela pénalisé la croissance…
En 1995, le conflit social avait coûté de 0,3 à 0,5 point de PIB à la croissance du 4e trimestre, dont une partie avait été récupérée le trimestre suivant, marqué par un petit effet de rattrapage. Et pourtant, le mouvement avait duré plus de trois semaines et bloqué une grande partie du pays. En prenant cette base de calcul, l'Insee avait calculé que les dix jours de grève de 2007 avaient coûté 0,1 point de PIB au 4e trimestre de cette année-là (voir la Note de conjoncture de décembre 2007 p.16).
C'est peu, mais comme je vous le disais, l'étude montrait que l'arrêt du fret ferroviaire est compensé en très grande partie par une hausse du transport routier chaque fois que possible. Aujourd'hui, le mécanisme de propagation dans l'économie est évident, mais on n'en connaît pas l'ampleur. On ne sait pas encore quel sera le partage entre la perte d'activité qui sera temporaire et qui pourra être rattrapée, et celle qui se sera révélée irrécouvrable (moindre fréquentation de sites touristiques, arrêt de lignes de production par défaut d'approvisionnement, non-acheminement de voyageurs…).
Propos recueillis par Marie Visot