Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
L'image de la France auprès des investisseurs étrangers s'est améliorée depuis l’élection d'Emmanuel Macron. Si cet engouement récent repose sur des éléments concrets, les réformes engagées notamment dans les domaines du travail et de la fiscalité, il est aussi fragile. Difficile à gagner, la confiance peut en effet se perdre rapidement, d’autant que la France doit affronter des problèmes structurels, le premier étant la perte de compétitivité.
Emmanuel Macron a invité le 22 janvier à Versailles les dirigeants de 140 grands groupes étrangers, à la veille de l’ouverture du Forum de Davos. Le président de la République espère inciter les patrons étrangers à investir en France en mettant en avant l’impact bénéfique des réformes sur la compétitivité. Questions à Emmanuel Jessua.
• La France est-elle redevenue attractive ?
- Indéniablement, on constate un changement de perception de la France de la part des investisseurs étrangers depuis l’élection d’Emmanuel Macron en mai. Ce changement est lié à une différence avec d’autres pays qui ont cédé à des sirènes plus populistes ou de repli – États-Unis et Royaume-Uni. Mais il intervient aussi parce que des réformes importantes ont été engagées, qui envoient un signal fort à l’extérieur et qui peuvent améliorer notre potentiel de croissance.
- Les ordonnances réformant le marché du travail, qui apportent de vraies nouveautés de fond, en font partie. Je pense aussi à la simplification très ambitieuse de la fiscalité du capital, qu’il s’agisse du prélèvement forfaitaire unique à 30% ou la suppression de l’ISF, ainsi que la baisse progressive et annoncée de l’impôt sur les sociétés. Ces mesures permettent une fiscalité plus favorable à la production. Elles reflètent aussi une volonté de cadrer les mesures fiscales dès le début du quinquennat, ce qui offre une visibilité sur la France comme pays d’implantation, un critère essentiel pour tout investisseur.
- La bonne perception dont bénéficie notre pays repose donc sur des éléments concrets. Mais cela ne veut pas dire que tout va bien pour autant. La confiance est une chose fragile, très difficile à gagner mais qui peut se perdre très rapidement, d’autant que le pays doit encore affronter des problèmes structurels. Le premier d’entre eux concerne la perte de compétitivité. Depuis 2000, nos parts de marché à l’export n’ont cessé de diminuer par rapport à celles de nos partenaires européens. Et la part de l’industrie française dans l’industrie de la zone euro connaît un recul similaire.
• La France continue de perdre du terrain à l’export
- Ces faibles performances trouvent en grande partie leur source dans une dégradation de la compétitivité-coût. Des entreprises ont fait faillite et les autres ont dû rogner sur leurs investissements, ce qui a pénalisé leur compétitivité hors-prix (liée à la qualité et à l’innovation des produits, NDLR).
- Des dispositifs tels que le CICE ont aidé les entreprises, ces dernières années, à améliorer leurs marges et à accroître leurs investissements. Mais le redressement sera long et nécessitera, parallèlement aux nécessaires efforts sur la formation, une baisse accrue des taxes sur les entreprises. Le poids des prélèvements obligatoires est en France (avec le Danemark) le plus élevé d’Europe, et ils pèsent particulièrement sur les coûts de production de nos entreprises.
- La France doit pour cela relever le défi de maîtriser sa dépense publique, tout en ramenant le déficit durablement sous 3%. Car si la croissance s’essouffle à partir de 2019, l’équation budgétaire risque d’être compliquée. La respecter est pourtant fondamental pour notre crédibilité aux yeux de l’Allemagne, notre partenaire incontournable pour approfondir l’intégration de la zone euro et notamment avancer vers l’harmonisation fiscale en Europe.
Propos recueillis par Marie Dancer
Dossier : La France est-elle redevenue attractive ?
La Croix, 23 janvier 2018
avec les point de vue d'Emmanuel Jessua, directeur des Etudes de Coe-Rexecode et de Marc Lhermitte, associé au cabinet EY