Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le cycle économique, enchaînement de phases d'expansion et de ralentissement de l'activité, n'a pas disparu mais est amorti par un ensemble de facteurs: recul relatif de l'industrie, filets sociaux et un policy mix actif. Les risques de retournement demeurent mais sont davantage associés à des chocs exogènes. Ainsi, longtemps dictés par des mouvements de nature fondamentalement économique, les cycles trouvent avant tout leur origine dans la sphère financière.
A mesure que se prolonge la phase de croissance de l'économie mondiale et malgré les craintes d'une prochaine récession, la tentation de prononcer l'acte de décès du cycle économique se renforce. Or, l'enchaînement de phases d'expansion et de ralentissement de l'activité n'a pas disparu mais il est beaucoup plus amorti que par le passé.
Observation simple pour s'en convaincre: la variance de la croissance, c'est-à-dire sa volatilité sur une période donnée. Estimée sur une période de cinq années glissantes, la variance de la croissance est aujourd'hui au plus bas depuis le début des années 1950 aux Etats-Unis comme en France, où les cycles sont en règle générale moins marqués.
• Trois principaux éléments expliquent le caractère amorti des cycles
- L'évolution de la structure des économies les plus développées.
Les cycles économiques ont longtemps trouvé leur origine dans le comportement de stockage des entreprises industrielles qui, en induisant une modulation du rythme d'activité, leur permettait de faire face aux à-coups de la demande. Le secteur industriel a ainsi toujours été un amplificateur des mouvements de la conjoncture et il l'est encore. Mais, avec les baisses tendancielles du poids de l'industrie dans l'économie et de celle du niveau de leurs stocks, l'empreinte de ces mouvements sur l'économie s'est amenuisée.
- Le poids pris par les systèmes d'assurance sociale.
En lissant l'évolution des revenus des ménages, ils permettent une plus grande régularité de la demande interne dont la sensibilité aux évolutions de l'emploi s'est ainsi amoindrie.
- Le pilotage du policy mix.
Même si la crise des dettes souveraines en zone euro a pu conduire à une procyclicité globale au début des années 2010, les politiques budgétaires jouent toujours dans l'ensemble un rôle contracyclique puissant. Celui-ci ne s'est jamais autant exprimé que durant la période de 2008-2009. Surtout, par sa réactivité en Europe comme aux Etats-Unis, la politique monétaire, dans toutes ses dimensions, a fait les preuves de son efficacité en matière de réglage conjoncturel de l'économie.
• Les mouvements conjoncturels sont moins marqués mais les risques de chocs récessifs n'ont pas disparu
Les retournements d'activité procédaient de l'exercice régulier de l'activité économique et se nichaient au coeur des mouvements de prix. Ces retournements sont désormais avant tout dictés par la manifestation de chocs exogènes qui peuvent induire une versatilité démultipliée, à l'image de la violence du choc subi en 2008-2009.
Ces chocs peuvent provenir de mouvements des cours pétroliers ou associés aux disruptions nées des tensions commerciales. Ils sont aussi de plus en plus liés au renversement de conventions qui se forment sur les prix de certains actifs (bulle Internet avant-hier, immobilier résidentiel hier, valorisations d'entreprises demain ?). Avec l'écrasement généralisé des rendements, les actifs sont devenus le réceptacle d'une inflation qui a déserté le marché des biens et services.
Longtemps dictés par des mouvements de nature fondamentalement économique, les cycles trouvent désormais leur origine avant tout dans la sphère financière. Les banques centrales ne peuvent que l'acter au moment de définir l'orientation de leur politique monétaire ainsi que cela a été le cas lors du tournant adopté par la Fed à la fin de 2018.
Pourquoi les cycles de croissance sont moins prononcés qu'auparavant
par Denis Ferrand, directeur général de Rexecode
Chronique publiée dans Les Echos du 5 novembre 2019