Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le 25 septembre, l'agence de notation Moody's a dégradé la note de la dette souveraine française de Aa2 (avec une perspective négative) Aa2 (perspective stable). Denis Ferrand détaille pour Le Figaro les motivations et les conséquences potentielles de cette décision pour la France alors que la phase de baisse des taux d'intérêt est derrière nous.
Cette nouvelle dégradation de la note de la France aura-t-elle un effet sur le taux d'intérêt auquel emprunte l'État français?
D. Ferrand - Je ne le pense pas. D'abord parce que les faiblesses de la France que pointe Moody's sont connues des investisseurs. Ils savent déjà que la croissance potentielle de la France est faible et que le pays a des difficultés à se réformer, de par son système institutionnel et politique. D'ailleurs, nous avons le même diagnostic que Moody's sur la croissance potentielle française, dont nous pensons qu'elle est comprise entre 1% et 1,5% par an. Un deuxième facteur devrait protéger les taux d'intérêt sur les emprunts d'État français: la politique menée par la Banque centrale européenne. La banque centrale procède à des rachats massifs de titres et s'est engagée à le faire jusqu'en septembre 2016. C'est un amortisseur majeur à toute hausse de taux.
La France ne risque donc rien?
Depuis la première dégradation de la notation par Standard & Poor's en janvier 2012, le taux sur les emprunts d'État français à 10 ans est passé d'environ 3% à 0,97%. Mais cette période de baisse des taux est derrière nous. L'État n'a plus de marges en la matière. On peut même dire qu'il a raté des occasions de faire des économies. Grâce à la baisse massive des taux d'intérêt, la charge de la dette des entreprises françaises (hors sociétés financières) était en 2014 de 17 milliards d'euros inférieure à celle de 2007. Du côté des ménages, cette charge est restée stable, le recul des taux étant compensé par la hausse du stock de dette. La charge d'intérêt des administrations publiques dans leur ensemble était, elle, de 4 milliards supérieure en 2014 à celle de 2007, malgré la baisse du coût de l'argent. Cela montre à quel point le stock de dette publique a augmenté.
Pourquoi la France reste-t-elle correctement notée, en "haute qualité" par les trois grandes agences?
Selon nos prévisions, la dette publique devrait absorber 99,4% du PIB fin 2016. Le seuil des 100% devrait donc être atteint en 2017. Mais la France a aussi des atouts: c'est une économie diversifiée, avec une démographie plus favorable que ses voisins. Et surtout, le consentement à l'impôt est réel. Dit autrement, les recettes fiscales rentrent. Rien à voir donc avec ce qui se passe en Grèce. Une hausse de 100 points de base des taux d'intérêt (les faisant passer par exemple de 0,9% à 1,9%) augmenterait la charge de la dette publique de 3 milliards d'euros par an. Ce serait un choc absorbable la première année. Mais il serait permanent, si bien qu'à terme il faudrait revoir la stratégie budgétaire.
Propos recueillis pas Cécile Crouzel - article paru dans Le Figaro du 21/09/2015, disponible sur le site du Figaro