La France est-elle déjà en "légère récession" comme l'a indiqué le président du Medef? L'entrée en récession "technique" suppose une baisse du PIB sur deux trimestres successifs. On ne l'a pas encore observé, mais les signaux avant coureurs s'accumulent. Les enquêtes auprès des entreprises laissent craindre une accélération de la baisse des investissements et des embauches, et l’inquiétude vis-à-vis du chômage est revenue en force chez les ménages. Les Perspectives de l'économie mondiale présentées le 11 décembre aux adhérents de Rexecode retiennent que la croissance sera nulle en France au 4ème trimestre 2024 et au 1er trimestre 2025.

Benoit Jaquot (Boursorama) - La France est-elle déjà entrée en "légère récession" comme l'a indiqué le président du Medef? 

Denis Ferrand - Pour le moment, on ne peut pas dire au vu du niveau du PIB qu’il y a récession en France, mais pas mal d’éléments laissent à penser que sa probabilité est forte. On le voit dans le changement des anticipations des entreprises. Cela fait un an que l’investissement des entreprises a passé son point haut, 18 mois s’agissant des embauches. Cela fait aussi 3 mois qu’il n’y a très peu de sorties des registres de Pôle emploi au motif de reprise d’emploi. 

Jusqu’ici l’investissement n’a pas chuté mais s’est érodé. Le risque est que ce mouvement s’accélère fortement. C’est ce que montre le baromètre trimestriel Bpi France - Rexecode auprès des PME/TPE. Interrogés en novembre 2024 sur l’impact de l’incertitude politique, les 2/3 des chefs d’entreprises prévoient de reporter ou annuler leurs projets d’investissement, et plus de la moitié leurs projets d'embauche.

Sur le plan des défaillances d’entreprises, on est désormais au-delà de l’effet de rattrapage post-Covid et surtout, les dépôts de bilan concernent des entreprises dont la taille moyenne est plus importante que par le passé. Sur environ 65.000 défaillances, 250.000 emplois sont concernés, contre 150.000 avant la crise sanitaire.

Le dernier baromètre d'EY signale un recul de l'attractivité de la France pour les investisseurs étrangers depuis la dissolution. Il est peut-être temporaire. En tout cas, les flux entrant d’investissements étrangers en France risquent de se rapprocher en 2024 de leur niveau de 2020, année du vide.

Sur la consommation des ménages, on est en présence de 2 forces adverses. D’un côté, l’inflation a ralenti et les taux d’intérêt ont baissé, ce qui est un élément favorable. De l’autre, l’inquiétude vis-à-vis du chômage est revenue en force, ce qui devrait encourager l’épargne de précaution.

Dans nos Perspectives de l'économie mondiale présentées à nos adhérents le 11 décembre nous avons retenu pour la France une croissance zéro du PIB au 4ème trimestre 2024 et au 1er trimestre 2025. On serait donc à la lisière d’une récession technique cet hiver, avec un élan très faible pour l’année 2025. Avec un tel acquis de croissance, une progression de 0,5% du PIB en 2025 par rapport à 2024 ne serait pas si mal.

Nos prévisions tiennent compte du vote d’une loi de finances spéciale, qui revient à prolonger la Loi de finance pour 2024, en attendant le vote – ou pas -  d’un Budget 2025 dans le courant de l’année.

> Denis Ferrand, invité de l'émission Ecorama du 9 décembre 2024, présentée par David Jacquot sur Boursorama.com